Exposition à la galerie


Olga CALDAS
Le Jardin aux sentiers qui bifurquent*

15 janvier – 16 mars 2025
Vernissage samedi 18 janvier de 15h à 19h


Halle Saint Pierre – entrée libre

Tous les jours de 11h à 18h – dimanche de 12h à 18h
Rencontre avec l’artiste le week-end et sur demande

(*Titre inspiré de la nouvelle de Jorge Luis Borges)

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Olga Caldas nous fait cheminer, dans cette exposition personnelle, à travers plusieurs expériences successives qui ont jalonné son travail photographique depuis une décennie. Refusant leur déroulement chronologique en ligne droite, elle choisit de les lier dans une sorte de ronde fraternelle sans commencement ni fin. Car il importe que « les sentiers bifurcants » qui en émanent puissent converger à certains moments et s’entre-regarder. 
Les fragments de ces chapitres photographiques antérieurs sont très divers sans pour autant se gêner. On trouve des réminiscences d’enfance, comme cette danseuse anonyme, toute légère, qui prend son envol sur sa balançoire, mais aussi des marques plus récentes de blessures, ainsi (dans la série sur l’artiste Marie Morel), ces bras de femme devenus semblables aux cordes qui l’ont meurtrie. On trouve la placidité d’un bain rituel japonais que rien ne peut distraire de sa méditation ludique puis, un peu plus loin, en contrepoint de l’harmonie précédente, une créature indifférenciée qui se débat dans sa chrysalide, en peine de son corps et de son essor perdus. 
Même s’ils se tiennent dans la même toile de fond, ces sujets ne se mélangent pas et réclament d’être vus séparément. Chacun, qu’il contienne une seule œuvre dans son opus, deux ou plus, est un « sentier qui bifurque » à part entière. Il n’empiète pas sur le chapitre suivant ou sur le précédent, et poursuit seul sa route. 
Il serait faux cependant d’avancer que, dans cette exposition, Olga Caldas donne la même place à chacun des chainons qui en constituent l’ensemble. C’est surtout par ses inédits et récents portraits de fleurs qu’elle retient toute notre attention. Elle leur accorde une place prépondérante qui les fait littéralement exploser au regard.
Ce travail photographique en noir et blanc, maturation de plusieurs années parvenue à son aboutissement, l’emporte par le nombre des œuvres proposées ainsi que par leur dimension. Comme s’il avait valeur de présent et d’avenir au beau milieu des séries passées. Commencé à l’aube du covid, quand la nature, désertée par l’humain, réapparaissait dans sa gloire originelle, il s’est prolongé en réflexion sur le temps, et aux moments de grâce, de beauté inconditionnée, qu’on peut lui arracher dans la surprise d’un pur instant de vie. 
Les fleurs d’Olga Caldas nous sont aujourd’hui plus offertes que simplement présentées, comme si elles voulaient sortir de leur support photographique pour venir trouver chacun de nous. Et c’est en soi-même que chacun les trouve. 
Alors qu’aux thèmes de fleurs sont habituellement associées la fugacité, la nostalgie de l’éphémère, voire la vanité des apparences, c’est ici la perception contraire qui prévaut. L’immédiatéité de leur éclat introduit une sensation d’éternité qui tient de la nature sans doute mais aussi, et surtout, de la vision. Telles quelles, elles semblent entraîner l’artiste dans le sillage d’une nouvelle ère créatrice, en se déployant hors du périmètre intimiste qui circonscrivait son travail jusqu’ici. La subjectivité de l’imaginaire se met au service de l’universel.

– Martine Lecoq, écrivaine et critique d’art

NOTICE BIOGRAPHIQUE 

Olga Caldas, née au Portugal, vit et travaille à Paris où elle a fait des études en Histoire de l’Art, Communication et Photographie.
Elle a travaillé à la Halle Saint Pierre pendant une vingtaine d’années et a été ainsi en contact à des œuvres hors normes, inclassables, qui l’ont influencée, ouverte à de nouvelles perspectives de création. Elle est directrice et curatrice à l’Immix galerie, émanation du Centre Culturel Jemmapes de la Ville de Paris.
Depuis une dizaine d’années elle interroge à travers des mises en scène, des mises en fiction, le rapport au corps, le plus souvent en interaction avec la nature. Son jardin en région parisienne, est son lieu de création de prédilection, son studio à ciel ouvert pour des photographies essentiellement en noir et blanc, argentiques et numériques.
Elle a réalisé près d’une cinquantaine d’expositions en France et à l’étranger (USA, Suisse, Belgique, Portugal, Italie) et participé à plusieurs salons d’art (Art Fair au Carreau du Temple à Paris – Art Fair à Bruxelles – Marché de l’Art à San Francisco, USA – Fotofever au Carrousel du Louvre – Art Capital au Grand Palais, Festival Européen de la photo de nu à Arles (Chapelle Saint-Anne) – Frame Basel, Miami et Paris – Les Rencontres photographiques de Paris 10eSalo à Paris…).
Elle expose régulièrement dans des galeries parisiennes, participe à des salons d’art et des résidences d’artistes (France, Italie, Portugal).
Son travail a donné lieu à plusieurs publications de livres et de nombreux articles de presse.

A venir

• Un livre est à paraître en janvier 2025, à l’occasion de l’exposition à la Halle Saint Pierre,
édité par les éditions Carnets-Livres, sous la direction de Daniel Besace.
• Expositions :
Casa Régis– Centro per la cultura e l’arte contemporanea – Biella, Italie, septembre 2025.
Fórum Cultural das Neves, Portugal, août 2025.



Le monde selon Roger Ballen

LE MONDE SELON ROGER bALLEN
nouvelle présentation du 6 AOÛT 2020 au 3 janvier 2021
 
The world according to Roger Ballen 
New presentation from AUGUST 6, 2020 to January 3, 2021

Téléchargez le dossier de presse ici

 

Catalogues français et anglais disponibles à la librairie de la Halle Saint Pierre

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Le monde selon Roger Ballen
Par Martine Lusardy (en introduction du catalogue)

Roger Ballen règne sur le monde noir et blanc de la psyché humaine. Troublante, provocante et énigmatique, l’œuvre du photographe sud-africain d’origine américaine, géologue de formation, exprime le sentiment de confusion de l’homme confronté au non-sens de son existence et du monde même. Ballen enchaîne depuis plus de trente ans les expositions dans les hauts lieux de la culture. Si chacune d’entre elles est un événement, son choix d’exposer à la Halle Saint Pierre, musée atypique consacré à l’art brut et aux formes hors normes de la création, marque son indépendance vis-à-vis des modes artistiques. Pour la Halle Saint Pierre la collaboration avec Roger Ballen est une invitation à mettre à l’œuvre – ou à l’épreuve – cette altérité artistique et culturelle que représente l’art brut. L’artiste n’a cessé de soutenir dans son rapport à la création un art qui s’origine dans les couches profondes de l’être humain ; il n’a cessé de tendre, à la manière d’Antonin Artaud, vers un art d’appel à l’origine.

C’est dans les hors-champs de la culture, ceux de la claustration et de  l’exclusion, que Jean Dubuffet va reterritorialiser l’art, avec l’idée qu’il y est plus authentique et singulier. Créateurs réfractaires ou imperméables aux normes et valeurs de « l’asphyxiante culture » sont les hérauts d’un nouveau rapport au monde dont ils défrichent les potentialités inexploitées. Pour eux la création est une protestation de la vie devant la menace du néant. La dimension singulière de cette expérience humaine, parce qu’elle s’inscrit dans des objets artistiques improbables mais à même de représenter cet appel d’être, ne peut être accueillie qu’avec sa charge d’étrangeté et d’inquiétude. L’esprit du temps se reconnait dans cet art extrême et il faut alors oser les emprunter les chemins qui y conduisent, réinventer les formes et le langage qui les rendent sensibles et supportables. Penser avec l’art brut offrirait une direction possible pour nos quêtes de vérité et de sens.

« Mes 18 ans furent l’âge où je connus un désir existentiel profond que rien ne pouvait apaiser, ni d’avoir grandi dans une banlieue juive ni mon éducation », écrit Ballen dans Ballenesque (2017). « Comme beaucoup de personnes dans le milieu de la contre-culture, je ressentais le besoin de rompre avec le matérialisme de la société occidentale […] de poursuivre comme Conrad la quête du « cœur des ténèbres », de chercher le nirvana à l’Est. À l’automne 1973, presque sans prévenir, je quittai les États-Unis pour un voyage de cinq ans qui me conduisit sur les routes du Caire à Cape Town, d’Istanbul à la Nouvelle-Guinée. » De retour aux États-Unis en 1977, Ballen y termine son premier livre de photographies, Boyhood (1979) – vision personnelle du thème intemporel de l’enfance –, et obtient en 1981 son doctorat en économie minière. L’année suivante, il s’installe en Afrique du Sud, à Johannesburg, mais la sécurité matérielle que lui procure le métier de géologue ne met nullement un terme à ses interrogations sur le sens de la vie. Et c’est muni de son appareil photo qu’il se livre à une autre activité : l’investigation d’une Afrique du Sud pauvre et profondément rurale, une Afrique refoulée, comme métaphore d’un voyage introspectif, identitaire et esthétique.

Lorsque Roger Ballen photographie ces Sud-Africains marginalisés par la peur, la misère et l’isolement, il transforme le temps de ceux-là mêmes qui vivent dans le monde du geste répétitif et absurde en un autre temps où ils deviennent les auteurs d’un univers plastique qu’ils ont engendré.

Dans Dorps, Small Towns of South Africa (1986), Ballen nous montre ces petites villes d’Afrique du Sud en pleine décadence, avec leurs architectures et leurs habitants. Attiré par « leur gloire croulante et décolorée avec leur avant-goût de décrépitude et leurs restes de promesses inaccomplies », il entre littéralement et métaphoriquement dans cet univers dont il enregistre les anomalies visuelles et culturelles comme les signes d’une culture agonisante. Puis il dresse avec Platteland (1994) le portrait réaliste et pitoyable du monde rural pendant l’Apartheid. Il photographie dans leur quotidien et leur intimité les protagonistes d’un désarroi politique, économique et racial avec leurs dégâts physiques et psychiques. Mais plus que les événements eux-mêmes ce sont leurs manifestations comme drames visuels qui, à ses yeux, font sens. Beaucoup de murs qu’il a photographiés revêtent selon lui la qualité d’œuvres d’art et auraient leur place dans un musée. Pour le photographe, il ne s’agit donc pas seulement d’une prise de conscience mais aussi d’une prise de vision. En effet, bien qu’habitées par une force documentaire et sociale inévitable, ses photographies ne sont pas des images déterminées socialement. L’acte de photographier s’impose, non comme un témoignage, mais comme un devoir de transfiguration. Ce sont les profondeurs de l’âme humaine que la photographie de Roger Ballen explore, là où le monde qui a perdu le sens de l’équilibre a laissé le trouble de sa trace.

Depuis 1995, les expérimentations visuelles de Ballen rendent continuellement incertaines les frontières entre réalité et fiction. Passant d’une esthétisation du réel à une esthétisation de l’inconscient, sa photographie creuse un paysage mental qui n’est pas sans évoquer les paysages mentaux de Dubuffet, ces « paysages de cervelle » par lesquels le peintre visait à restituer le monde immatériel qui habite l’esprit de l’homme[1]. Mais c’est surtout avec le théâtre de Samuel Beckett, à qui il consacra un film en 1972, que l’ensemble de l’œuvre de Roger Ballen entre en résonance. Il exprime un même sentiment de confusion et d’aliénation face à un monde incompréhensible et irrationnel où l’homme désarmé, dépossédé, porte en lui le poids de la condition humaine. Tout comme Beckett, Ballen rend cette réalité dans toute sa cruauté et son absurdité.

Outland en 2001, Shadow Chamber en 2005 puis Boarding House en 2009 marquent la mise en place lucide d’un style et d’un vocabulaire uniques. Ballen introduit la mise en scène où il projette ce vertige existentiel. Sous le théâtre la vérité. Les marginaux avec qui il interagit et avec qui il a construit au fil du temps des relations fortes de sympathie deviennent eux-mêmes les acteurs drôles et pathétiques de ses psychodrames, non plus dans un contexte social mais dans un univers plastique et créateur. Leurs gestes, leurs préoccupations, intensifiés, semblent dépourvus de sens. Leurs corps – « véhicules de l’être au monde » pour reprendre les termes de Merleau-Ponty –, amoindris, décrépis, déformés, puis n’existant que par fragments témoignent de leur désarroi d’avoir perdu l’évidence de leur relation au monde.

Tous ces personnages sont représentés dans des espaces cellulaires indéterminés, crasseux et poussiéreux, sans fenêtres ; seul le mur, omniprésent, en délimite le cadre tant physique que mental. Support de signes, de dessins, de graffitis, le mur, maculé, enregistre les récits, les croyances, les fuites impossibles. Tout comme les animaux, les objets fatigués – dérisoires ou insolites – sont élevés au rang de protagonistes surréalistes d’une scène dont ils brouillent encore plus le sens. Les fils métalliques, électriques, téléphoniques, suspendus, emmêlés, par leur manifestation récurrente, envahissante, obsessionnelle, sont comme autant de symptômes de liens perdus. L’absurde domine l’espace et le structure. Peu de choses sont laissées au hasard comme l’explique Ballen : « Quant au format carré, c’est à mes yeux la forme parfaite. Il y a un idéal géométrique dans le carré. Tous les éléments sont à égalité, ce qui m’est primordial. Chez moi, ce sont les formes qui comptent, mes photos se jouent dans leurs correspondances. » Mais rien n’a de sens apparent tout comme l’écriture de Beckett bouleversant les constructions et fonctions grammaticales usuelles.

Fruit de plusieurs années de travail, Asylum of the Birds, dramatique et onirique, est le lieu métaphorique à la fois du refuge et de l’enfermement. La condition humaine s’y raconte en l’absence de l’homme. Dans un décor de décharge abandonnée, quelques êtres égarés, corps morcelés ou privés le plus souvent de leur verticalité, cohabitent avec une colonie d’animaux. L’oiseau, maître des lieux, libre, assiste à l’effacement de la vie humaine. L’humanité ne résiste que par sa trace : figures de son double – poupées, mannequins, masques ; objets démantelés, rescapés d’une vie antérieure dont ils ne sont plus que la mémoire ; dessins tracés sur les murs, témoins de l’antique geste de recréer le monde. Évoquant la série des non-lieux, œuvre ultime de Dubuffet à l’inspiration profondément nihiliste, Asylum vise à représenter non plus le monde mais l’incorporalité du monde, ce néant peuplé des fantasmes et fantômes que nous y projetons.

La référence au monde réel disparaît même dans le Théâtre d’apparitions (2016). Dans les images de ce livre qui occupent un espace entre la peinture, le dessin, la photographie, la figure humaine est spectrale, réduite à ses pulsions, ses désirs et ses angoisses.

Au fil des années s’est mis en place le monde selon Roger Ballen, né de et dans son rapport à la photographie. Nul doute que la rencontre avec la réalité sociale et psychologique de l’Afrique du Sud, en particulier de ses « dorps » fut pour lui une expérience fondatrice : « La découverte de tels lieux signifiait pour moi que j’aurais à y revenir souvent, attiré là par des raisons inexplicables. » Si trouble il y a devant ces univers perçus pour leurs valeurs plastique et esthétique, c’est que, situés en deçà des événements historiques, ils mettent à nu ce sentiment d’aliénation ressenti dans un monde où les êtres sont exilés d’eux-mêmes. Mais il faudra que l’image se libère de son caractère indiciel pour que l’imaginaire « ballenesque » puisse se réaliser comme métaphore de la condition humaine. Un imaginaire que l’artiste prolongera dans la vidéo et l’installation comme théâtralisation de sa vision dystopique du monde. L’entre-deux, lieu de l’incessant va-et-vient entre animé et inanimé, réalité et fiction, humanité et animalité, présence et effacement, nous mène à un espace intérieur aux frontières incertaines. « Mes images ont de multiples épaisseurs de sens et pour moi il est impossible de dire qu’une photographie concerne autre chose que moi-même », aime à rappeler Ballen en écho aux mots de Dubuffet : « L’homme européen ferait bien de détourner par moments son regard, trop rivé à son idéal d’homme social policé et raisonnable, et s’attacher à la sauvegarde extrêmement précieuse à mon sens, de la part de son être demeurée sauvage. »

  • Martine Lusardy, commissaire de l’exposition
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    [1] Jean Dubuffet, Prospectus et tous écrits suivants, réunis et présentés par Hubert Damisch, t. II (1944-1965), Paris, Gallimard, 1967 (1986)

Roger Ballen est « Lauréat du programme de résidences internationales Ville de Paris aux Récollets » 2019

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Dans l’esprit de Roger Ballen | Artiste Interview | Wladimir Autain

The world according to Roger Ballen
New presentation from  August 6, 2020 to January 3, 2021
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