Malcolm de CHAZAL

Malcolm de CHAZAL
11 septembre 2024 – 19 janvier 2025

Célébré par André Breton et Jean Dubuffet, Malcom de Chazal a produit une œuvre littéraire et plastique nourrie d’un éternel besoin de poésie, de regard neuf et enchanté.

L’homme des cosmogonies

Le poète est souverainement intelligent, il est l’intelligence par excellence – et l’imagination est la plus scientifique des facultés, parce que seule elle comprend l’analogie universelle, ou ce qu’une religion mystique appelle la correspondance … [1]
– Baudelaire

Malcolm de Chazal se fait connaître en France par le biais de son ouvrage Sens-Plastique, qu’il fait parvenir en 1947 aux intellectuels français qu’il estime dignes de le recevoir. Ce recueil d’aphorismes saisissants, publié l’année suivante chez Gallimard, est accueilli avec enthousiasme aussi bien par le groupe surréaliste que par Georges Bataille, Francis Ponge ou Jean Dubuffet. André Breton prétend ne rien avoir « entendu de si fort depuis Lautréamont » et Jean Paulhan ose même le mot de « génie, ce nom et aucun autre ». Cette irruption dans le milieu des lettres parisiennes fut aussi fracassante que brève. Paulhan lui-même se méfia des considérations mystiques dans les écrits ultérieurs de ce phénomène littéraire inclassable qui savait rester à distance du paysage intellectuel parisien : « Ce n’est pas ma faute qu’il a mal tourné. Il a découvert une montagne mystique à l’île Maurice et a écrit son éloge. Ce n’est pas très bon ». Si c’est donc à Paris que ce génie insulaire connut la consécration, celle-ci fut éphémère et c’est dans son île natale qu’il enracinera sa pensée et son œuvre à l’ambition prophétique, affrontant dans une solitude assumée l’incompréhension plus que la reconnaissance.

Malcolm de Chazal est lié à Maurice par sa naissance, son histoire familiale et son éducation mais c’est surtout un lien charnel, sensoriel et fusionnel qui unit pour toujours le poète à ce petit morceau de volcan jailli de l’océan il y a dix millions d’années. « Le corps de ce pays et le corps de mon esprit font un ». Maurice, cette île où l’on « cultive la canne à sucre et les préjugés », selon le mot de Chazal, ne s’en révèle pas moins être un monde-fée à la nature vibrante de couleurs et de sensations, le lieu magique absolu où, en turbulent démiurge, il va donner libre cours à sa frénésie créatrice.

Né à Vacoas en 1902, Malcolm de Chazal quitte Maurice à l’âge de 16 ans pour la Louisiane où il obtient un diplôme d’ingénieur agronome en technologie sucrière à l’université de Bâton Rouge. Il voyage en Amérique du Nord, en Europe, travaille quelques mois à Cuba, mais hormis ses séjours de vacances en Pennsylvanie avec des coreligionnaires swedenborgiens il n’aura pas été enthousiaste : « Mon esprit se meublait. Mais ce n’était que décor. La vie intérieure attendait.  Pour cela il faudra l’île Maurice, le lieu de ma naissance ». De retour à Maurice en 1924, Malcolm de Chazal travaille pour une industrie du sucre puis une filature d’aloès. Ces expériences s’avérant infructueuses faute de s’entendre avec l’oligarchie agricole dont la vision économique le révolte, il lâche tout pour devenir simple fonctionnaire pendant vingt ans (1937-1957) dans un obscur et ennuyeux département chargé de l’électricité et du téléphone. Un ennui qui le rend libre d’entreprendre sa quête poétique à la recherche de la vraie réalité. Son collègue et également poète, Emmanuel Juste, l’évoque « discourant longuement du merveilleux du quotidien, des fleurs qui vivent en amitié avec les hommes, des montagnes-hiéroglyphes, du rituel des couleurs et de la lumière, des arcanes de l’alchimie ou passant à toute allure dans une sorte de transe, le visage préoccupé, le menton en défi, parce que pris au sortilège d’une idée ». Ce sera d’abord l’écriture qu’il aborde comme un don de soi qui enrichit, une libération. Pensées, aphorismes, textes métaphysiques, théâtre, contes, chroniques de presse, essais d’économie politique mettent en œuvre ce qu’il définit comme le but ultime de tous les grands penseurs et philosophes : créer une cosmogonie, en découvrir et codifier les lois.

Dans le monde de Malcolm de Chazal, les fleurs nous regardent et les pierres parlent de civilisation engloutie, révélations fondamentales qui ont illuminé sa vie intérieure. Ce sera d’abord celle de « la vision retournée », le jour où dans le jardin botanique de Curepipe il vit une fleur d’azalée le regarder. « La fleur devenait subitement un être. La fleur devenait une fleur-fée. Cet évènement correspond à la pomme de Newton, c’est-à-dire au moment où toute la vie d’un homme, toute sa pensée est retournée dans une expérience. » Vivre la nature et la laisser vivre en soi, y vivre et en être vécu est le secret qui mène à l’union absolue entre deux aspects antinomiques de notre nature : esprit et sensibilité, conscient et inconscient, raison et intuition, intellect et perception. C’est l’avènement de l’Homme universel qui est dans tout, du monde pensé comme unité fondamentale de l’Homme, du Cosmos et de la Nature.  Cette vision totalisante du monde où chaque élément entre en relation avec une multitude d’autres dans une harmonie cosmique des sensations, est portée par une science poétique des correspondances et de l’analogie universelle. 

Cette forme de pensée qui relie tout, et à laquelle Malcolm de Chazal donne le nom de Poésie Métaphysique, s’épanouit dans Sens-Plastique (1945) « cosmogonie de l’Invisible » qui contient « le souffle de l’universel ». Puis La Vie Filtrée, va mettre cette vérité encore en plus grand relief. « … j’ai voulu toucher à certaines formes d’intelligence considérées jusque-là imperméables à l’esprit de l’homme – palais très lointains où peuvent seules nous conduire certaines formes supra-directes de Perceptions. J’ai voulu, par cette œuvre, appréhender les choses du Divin par les seules antennes des sens, abolissant totalement la Raison en moi, autant qu’il est humainement possible de le faire – afin de voir dans le nu des choses le filigrane de l’Universel et l’empreinte du Toujours. J’ai voulu abolir le monde extérieur pour le reconstruire ensuite à ma façon, et en faire une lunette d’approche à rayon X de l’humain pour voir Dieu ». C’est avec Petrusmok, roman mythique publié en 1951, que Malcolm de Chazal va appréhender la question de Dieu et du Divin. A travers un syncrétisme religieux qu’il définit comme une « pâte mêlée de christianisme et de naturisme spirituel » chargée de souvenirs swedenborgiens, il livre une histoire onirique et mystique de la création de l’univers en revivifiant le mythe de la Lémurie. Il voit dans les montagnes de son île les vestiges d’un continent englouti jadis habité par des géants et déchiffre dans la pierre qu’ils auraient taillée des enseignements essentiels. L’île Maurice, devenue berceau de l’humanité trouve dans la Lémurie, son origine mythique.  Œuvre de transe et de voyance, ce livre des révélations et des divinations éloigne définitivement Chazal des rivages du surréalisme.

« Je suis un être revenu aux origines. A mon sens, il est stupide de croire que l’on peut connaître l’homme si l’on ne connait pas la fleur. Que l’on peut connaître Dieu si l’on ne connaît pas le sens occulte de la pierre. La connaissance est indivisible et cette connaissance a été perdue ». Toute l’œuvre de Malcolm de Chazal ne cessera de chercher la clé magique qui permettrait de recouvrer cette connaissance perdue. Sur cette voie, les portes de la perception sont grandes ouvertes et les cinq sens, unifiés, génèrent cette vision neuve proche de la voyance qu’est le « sixième sens ».  Chargée de toute l’expérience sensible du monde, l’image sens-plasticienne établit des ponts de sensations pour enfin réconcilier le physique et le mental. L’invisible, insaisissable, impalpable se mue alors en substance psychique et livre ses secrets aux mots : « La fraise auprès de la fraise, en attendant son tour d’être mangée, dévorait le sucre parmi les fraises du fraisier. Et lorsqu’elle fut dans la bouche de la femme, elle eût le goût sucré des lèvres et se sentit imbibée dans une extase ». L’expérience de la réalité n’est plus sens unique mais cheminement à rebours, invitation à être sujet et objet à la fois : « L’agneau voyant le loup n’eut pas peur du loup. Au-delà de la peur, il se voyait loup. Et quand le loup fut sur lui, le loup eut peur du loup dans le corps de l’agneau ». Bien incomparable, la volupté réalise le point sublime d’unisson où la mort et la naissance sont vécues comme une même expérience spirituelle de l’unité ultime.  « La volupté est païenne au départ et sacrée vers la fin. Le spasme tient de l’autre monde ».

Poète des origines, Malcolm de Chazal aura mis la poésie à la hauteur de sa fascination pour la cosmogonie. Poésie du fond et non de la forme, façon d’être et non d’écrire, elle célèbre par la magie du verbe, des images et des correspondances, le rapport intrinsèque qui lie le visible et l’invisible.  Le langage, qui depuis toujours nous relie au monde, est sommé de se défaire de toute instrumentalisation, de redonner aux mots leur âme et leur pouvoir d’illumination. « Comme tous les mystiques de la langue, je fais de tous les mots des personnages. En faisant vivre l’invisible, je fais de chaque carré de lettres un pays de fées … Quand j’écris astres, avec ces six lettres, je ne trace pas des signes morts. Ils contiennent une substance réelle et organique. La parole est une magie de vie ». Et à écrire des silences et saisir l’inexprimable, Chazal « fixe des vertiges » en redonnant aux mots leur valeur émotionnelle. La langue prend alors une coloration nouvelle, marquée par un goût pour les néologismes qui froissent ou distendent les mots : couleurs « carrousselant les unes dans les autres », liane qui « turgescentera longuement dans le vide ». L’exercice de l’aphorisme, non pas de style mais de vibration cosmique, met en scène par pénétrations successives une parole qui entre en résonance avec la plasticité de l’univers. La métaphore y abonde : puisant son pouvoir dans la pensée analogique elle établit un rapport spontané, extra-lucide, insolent entre deux réalités que la raison avait séparées. Elle ramène le corps dans le langage et humanise l’univers. « Quand l’eau / Cessa de pleurer / Je vis la rosée / Le soleil se moquait d’eux ». Sans cette continuelle plongée dans le corps universel, il n’y a pas de pensée et que pour tout dire il faut pouvoir être tout. Redevenant parole qui parle, la langue est ici une infinie passion.

Malcolm de Chazal voyait en Sens-Plastique un livre de sensations, un album d’images, une peinture et un verbe poétique tout à la fois. C’est donc naturellement que la peinture, révélée grâce à une fillette de 8 ans, vient rejoindre en 1958 la poésie et lui permet de traduire en une forme épurée, loin de toute recherche esthétique, une métaphysique que les mots ne lui suffisent plus à exprimer. Par la couleur, universelle, spontanée et éternelle, il a le verbe immédiat et s’affranchit du dessin qui, inventé de toutes pièces par l’homme, a mis la couleur en cage. Il « ôte, de ce fait, à la couleur le licou » pour poser un regard daltonien de la forme sur la Nature, là où les formes sont couleurs et les couleurs sont formes.  « Et voici ce moment du temps / Incarcéré dans une couleur / Voici l’espace de voir / Intégré à une forme / Deux images : visible et invisible / Et c’est la fleur ».   Les couleurs solaires dominent et prennent le pas sur l’architecture du dessin à l’image de l’enfant explorant sans aucune contrainte les infinies possibilités sonores des mots. De même qu’il avait dépouillé la parole du masque de la grammaire pour voir le verbe au-delà des mots, il dépasse la coloration, cette couleur masquée, pour atteindre en larges aplats la couleur nue, qu’il humanise : « Si la personne du bleu ne vous va pas, donc prenez la personne du jaune. Pour tout dire, « devenez » le jaune. Nous touchons ici à l’acte magique en soi : l’identification ». Chazal s’allie donc aux couleurs pour fixer dans la peinture non pas les fleurs, les arbres ou les oiseaux mais l’âme de tout ce qui appartient à son île.   Car dans cette île Fée « le soleil est un vertige, l’arbre un chemin qui descend de la mer à la terre avec un seul carrefour pour tous les chemins à venir : une astérie rouge du sang conjugué de l’océan et du sable, avec mille branches comme autant de preuves d’héritages. Les maisons dans leur riche misère sont des boîtes à surprise posées sur la table moins surprenante de la terre. Et les pierres bâtissent dans leur ascension cette colline invincible sur laquelle on va dire bonjour au vent et à la pluie, dans la couleur de leur naissance ». La fleur y règne en fée qui, dans la chaleur, utilise ses couleurs comme éventail et nous entendons son désir « Prends-moi / Nue / Dit la fleur / Au soleil, / Avant / Que la nuit / Ne me ferme / Les cuisses ».  Symbole du regard, vue et voyante, métaphore d’elle-même dans cette advenue voyante, la fleur affirme sa présence, nous retient captifs et soumis à toutes les possibilités sensuelles dont elle est chargée. Nature, Volupté et Sens sont les constantes qui jalonnent la peinture de Chazal, elles mettent en œuvre l’expérience sensible de Sens-Plastique en ce qu’elle restitue dans la vision, un sentir au monde.

Phénoménologique, philosophique, théologique, cosmogonique, poétique, mystique, visionnaire, l’œuvre de Malcolm de Chazal demeure largement une énigme que la spiritualité ésotérique la parcourant ne fait qu’entretenir. La plupart des tentatives pour classer son œuvre dans un genre littéraire, une école picturale ou pour lui trouver des apparentements n’aboutissent qu’à l’impasse.  Certes sa volonté de réinventer la grande herméneutique de l’homme-nature l’affirme dans la lignée de Novalis, son libre jeu des correspondances et des analogies sensorielles dans celle de Baudelaire ou Rimbaud, ses visions prophétiques dans celle de William Blake, sa fascination pour la transe dans celle d’Antonin Artaud. Et son adhésion au surréalisme fut une sorte d’impasse tant « l’ivresse divinatoire sans lendemain » contre laquelle André Breton le mettait en garde, l’éloigna définitivement du hasard objectif au cœur d’un mouvement qu’il estimait  avoir dépassé :  « Le subconscient, point d’autres routes vers l’invisible,  Mais le subconscient dans mon cas,  je ne le subis pas (comme le font les surréalistes), je l’utilise pleinement en l’asservissant […] Le Subconscient est l’Autel de Dieu où le Divin pose ses pas en premier dans le monde fini ». Quant à sa peinture, malencontreusement associée à l’art naïf parce qu’elle conservait l’esprit de l’enfance, elle s’en écarte totalement tant elle est le prolongement de sa vision élaborée et maîtrisée du monde qu’il nomme Unisme. Cette unité ontologique à la fois précède, engendre et justifie toute son œuvre dont il revendique l’originalité absolue : « j’ai tout puisé en moi-même pour créer ma cosmogonie », convaincu qu’elle « porte au monde autre chose » où retentit la Parole dans sa puissance à réveiller l’humanité : « Je suis l’homme des nouveaux temps. Je suis l’homme créé pour lier l’homme, l’univers et dieu ». Œuvre inclassable donc, un au-delà de l’art qui ne se réduit pas à une envolée de l’imagination, mais qui emporte avec lui toutes les libertés de l’art pour réactiver la présence éruptive du sensible et du sacré. Cette quête ne pouvait être portée que par un homme lui-même hors du commun dont le cheminement personnel et artistique ne pouvait supporter ni entrave, ni compromis.

Malcolm de Chazal ne vivait, ne pensait, ne parlait, n’écrivait pas comme tout le monde. Confronté autant aux insultes qu’aux louanges, aux moqueries qu’aux encouragements, il avait développé un mécanisme de défense qu’il avait lui-même défini : « la circoncision du cœur » qui l’amenait à s’isoler socialement. Mais sa pensée, soucieuse de ne pas se soumettre, était dévorante et se mesurait à la science, la politique, l’économie, l’art pour s’arrêter sur les maux de son île : l’argent des sucreries et des banques, les préjugés de race, le matérialisme et le conformisme étriqué de la vieille société coloniale. Dans le même temps, il savait rendre hommage à la langue qui l’avait nourri, cette « adorable langue créole » qui le sépare à jamais du parler classique de France parce qu’elle est un « langage nu »« les images ruissellent de poésie qui est l’humour ». Chazal, qui éprouvait une joie subversive à se sentir « nègre-blanc » devançait ainsi de quelques décennies la créolisation d’Edouard Glissant comme remplacement de la postcoloniale francophonie.

Tout concourrait donc pour que Malcolm de Chazal fût considéré comme un fou ou un génie. Lui-même s’enferma dans la certitude mégalomaniaque d’être un génie : « Je suis l’homme le plus équilibré de ce pays, parce que je suis totalement fou et totalement sage. J’ai en moi ce paradoxe, cette dialectique vivante. Et mon génie est équilibre. Je suis poète ».

Pour la Halle Saint Pierre qui s’est installée à la croisée des marges et particulièrement de celle de l’art brut, consacrer une exposition à l’œuvre de Malcolm de Chazal est l’occasion de libérer le poète des figures tutélaires qui ont fait sa gloire, aussi éphémère fût-elle, et de susciter de nouveaux regards qui prendront la place de la révélation enthousiaste de Sens-Plastique. Les créateurs de l’art brut nous fascinent, nous touchent, nous éprouvent parce qu’ils élargissent notre vision du réel en suivant les voies magiques, surnaturelles, irrationnelles que nos univers familiers ont occultées et nous voyons en eux l’homme accompli et victorieux. Cet « Autre » de la culture ne réalise-t-il pas les possibilités les plus hautes de l’homme, l’héroïque construction de soi, son humanisation, la quête de l’Absolu de Malcolm de Chazal ?  En leur compagnie nous ne pouvons que célébrer la folie de Malcolm de Chazal comme un bienfait pour l’humanité.

  • Martine Lusardy

 

[1] Cité par André Breton, Arcane 17, Paris, J.-J. Pauvert, coll. « 10/18 », 1965 [1944], p. 158-159. (Charles Baudelaire, lettre à Alphonse Toussenel, 21janvier1856, Lettres, Mercure, 1908, p. 83.)

 

 

Gilbert PEYRE

Gilbert PEYRE
L’électromécanomaniaque
11 septembre 2024 – 31 juillet 2025

Dossier de Presse ICI

Artiste emblématique de la Halle Sant Pierre, Gilbert Peyre accompagne l’aventure de ce musée hors les normes depuis près de quarante ans.  Opérant simultanément sur les terrains de l’installation et du spectacle vivant, cet artiste électromécanomaniaque sait concilier la singularité de l’art brut avec l’esprit contemporain dans une ambiance de fête foraine autant visuelle que sonore. Ses machines extravagantes et poétiques sont les manifestations les plus inventives de l’instinct créateur. Elles nous conduisent sur les voies magiques du merveilleux et du fabuleux que nos univers familiers ont occultées.

Gilbert Peyre répond de nouveau à l’invitation de la Halle Saint Pierre. En résulte une proposition artistique originale sous forme de spectacle-performance, entre esthétique foraine et technologie de pointe. Cet artiste qui se définit volontiers comme un « électromécanomaniaque », nous présente ses sculptures machines, automates farfelus et poétiques conçus à partir d’objets récupérés qui, d’un coup d’électricité, de mécanique, de pneumatique et d’électronique vont être amenés à la vie et devenir les protagonistes d’un conte cruel et enchanteur. Dans ce jeu aux combinaisons ambivalentes, dramatiques et burlesques, Gilbert Peyre réconcilie le bricolage et le progrès technologique. Il récupère, détourne, recycle ce que la technologie a d’abord condamné comme obsolète pour, contre toute attente, concourir ensuite à sa réhabilitation. Nul désir donc de soumettre le monde mais plutôt la nécessité de le ré-enchanter afin que création et existence se confondent dans une conception de la vie comme poésie. Loin des machines «célibataires» ne célébrant que leur ivresse mécanique solitaire, les êtres fictionnels et hybrides de Gilbert Peyre nous ouvrent sur un habiter poétique du monde au sein duquel l’artiste interprète et transfigure le quotidien. Cette métaphore du voyage-aventure au tréfonds de la sensibilité, parce qu’elle donne à saisir la mesure de l’être humain, ne peut qu’entrer en résonance avec l’esprit de la Halle Saint Pierre.

Martine Lusardy
Directrice de la Halle Saint Pierre, Commissaire de l’exposition

Vidéos Gilbert Peyre 

 

NOTICE BIOGRAPHIQUE

VISUELS POUR LA PRESSE

 

 

L’ESPRIT SINGULIER

EXPOSITION EN COURS

L’ESPRIT SINGULIER
COLLECTION TREGER SAINT SILVESTRE
du 12 mars au 14 aout 2024

DOSSIER DE PRESSE 


L’ESPRIT SINGULIER, présente du 12 mars au 14 août 2024 la collection Treger Saint Silvestre abritée au Centro de Arte Oliva à Porto au Portugal.

Les deux fondateurs, Richard Treger et Antonio Saint Silvestre, conduits par leur désir, leur intuition et leurs émotions, ont réuni en quatre décennies une collection qui porte la marque de leur goût passionné pour l’art brut. Profondément touchés par le pouvoir de décentrement, par la radicalité subversive de cet art collectionné et pensé par Jean Dubuffet, ils n’ont eu de cesse d’en actualiser l’héritage. Leur collection en porte l’empreinte et les créateurs qu’ils ont rassemblés témoignent d’une troublante faculté d’indépendance et comme le disait Dubuffet du désir « d’explorer, d’expérimenter, d’adopter des véhicules autres que celui que la culture nous a imposé (je veux dire : un autre regard sur le monde, une autre interprétation de celui-ci, un autre vocabulaire et, par suite, une autre forme de manipulation de ce vocabulaire, donc une autre pensée) ».


Si leur collection réunit les grandes figures historiques de l’art brut, elle s’est aussi ouverte sur de nouvelles pratiques, de nouveaux médias, autant que sur des ailleurs géographiques. Nul doute que leur rapport intime à la création ainsi que leurs racines africaines, le Zimbabwe pour Richard, pianiste, le Mozambique pour Antonio, sculpteur, ont influé leur manière d’arpenter le territoire de l’art brut et nourri leur regard porté sur ces productions nées dans l’altérité sociale ou mentale.

Les 1500 œuvres qu’ils ont réunies au fil des ans ne sont pas esclaves d’une doctrine esthétique ou d’un parti-pris formel et si la parenté est manifeste entre elles, il ne s’agit pas d’une parenté d’école et de mouvement propre à l’art culturel mais plutôt une parenté originelle : l’instinct créateur. Leurs auteurs dessinent, peignent, sculptent, collectent des objets de rebuts ou puisent dans la nature traces et empreintes, ils assemblent, collent, photographient. Explorateurs de langages archaïques ou magiciens du matériau brut, expérimentateurs primitifs ou raffinés d’un grand art, ou bien même artistes professionnels volontiers libertaires, ils créent pour réparer le monde ou le rendre plus habitable. Préférant la liberté des chemins insolites à toute intégration esthétique et sociale, ils n’ont eu de cesse de rendre compte de l’homme, de sa passion et de son désespoir, de sa raison et de sa folie, de ses rêves et de sa révolte. Loin de reproduire ce qui est déjà au monde, leurs œuvres chargées et habitées, porteuses d’excès mais aussi de poésie, sont le lieu d’un véritable théâtre privé, le support d’un récit profondément personnel, où l’angoisse de la mort n’est nullement incompatible avec la joie d’exister quand il s’agit de répondre à l’inacceptable condition humaine. 

La collection Treger Saint Silvestre nous entraine vers la magie d’un entremonde à la fois familier et inconnu, là où se célèbrent les noces de l’art et de la folie, de la vie et de la mort, où se jouent les multiples passages de l’originaire à la culture, de l’intime à l’universel, un monde sans lequel les pouvoirs de l’imaginaire et du symbolique seraient définitivement perdus et la découverte d’horizons inconnus impossibles. 

Martine Lusardy, directrice de la Halle Saint Pierre


LES ARTISTES

A.C.M.
Baillon  Agnès
Bascoulard Marcel  
Bellucci Franco
Berlanda Marco
Botkine Kostia
Braz Albino
Buchmann Ida   
Burles Michèle
Cadi Jorge Alberto
Coard Derrick Alexis
Corbaz Aloïse
Crystiano Jesuys
Dado (Miodrag Djuric)
Darger Henry
Deal Jacques
Deeds James  
Demlczuk Barbara
DePrie Gerald
Deux Fred
Dial Thornton 
Dufrène Gaël  
Erró (Guðmundur Guðmundsson)
Fengyi Guo
Fernandes Jaime   
Galli Giovanni  
Garcia Revuelta Alfredo
Ghizzardi Pietro
Giai-Miniet Marc
Godie Lee
Goesch Paul

Grünenwaldt Martha
Hauser Johann
Hawkins William
Held Margarethe    
Houis David
Janke Karl Hans
Jaremtschuk Foma  
Leonardini Raphaël
Lesage Augustin
Lobanov Alexander

Lonné Raphaël  
Lorestani Gorgali  
Machado Mónica
Machciński Thomasz
Mackintosh Dwight  
Menichetti Eudes   
Mettraux
Molinier Pierre
Monichon Ergasto  
Monsiel Edmund  
Moreira Artur
Nyamainasche Dexter  
Paule Michail
Pedroso Castillo Misleidys Francisca 
Pelosi Marilena  

Plný Luboš  
Podestà Giovanni Battista  
Pons Louis
Robertson Prophet Royal
 Schley Charles
Schröder-Sonnenstern Friedrich
Smit Carolein
Smith Mary Tillman
Speller Henry
Stek Johannes
Sudduth Jimmy Lee
Tassani Pascal
Tichý  Miroslav
Tolliver Mose
Toney John Henry
Turrell Terry
Valdés Dilla Damián
Vieira Tomás
Von Bruenchenhein Eugene
Wagemann Théodore dit Theo
Walla August  
Widener  George
Wilson Scottie
Wittlich Josef   
Wölfli  Adolph
Zemánková Anna
Zinelli Carlo
&
Anonymes Angola, Brésil, USA

 

 

 

HEY! CÉRAMIQUE.S

exposition en cours

HEY! CÉRAMIQUE.S
du 20 septembre 2023 au 14 août 2024

Dossier de presse

Catalogue disponible à la librairie de la Halle Saint Pierre. Prix : 48€

Au nom de la matière

Toutes deux profondément investies dans l’exploration de la scène culturelle alternative, la Halle Saint Pierre et HEY! modern art & pop culture poursuivent leur longue et étroite collaboration avec une sixième exposition entièrement dédiée à la céramique. Si ce medium occupe une place de plus en plus visible sur la scène artistique internationale, l’exposition HEY! CERAMIQUE.S en montrera d’autres formes qui, de la pop culture à l’art brut, s’émancipent de façon inattendue de toutes les normes et discours dominants pour recourir aux forces vives de l’imaginaire et du sensible. Qu’elles soient sages ou délirantes, sauvages ou sophistiquées, expressionnistes ou narratives, qu’elles manient l’humour ou l’émotion, les sculptures céramiques sont ici porteuses d’excès mais aussi de poésie et d’innovations.

Longtemps considérée comme un art mineur en raison de son statut particulier au carrefour de l’art et de l’artisanat, la céramique s’est émancipée artistiquement en faisant précisément de cette position hybride le fondement de son renouveau. La dimension proprement alchimique des arts du feu se prête en effet à merveille au brouillage et au dépassement des frontières. Mais si les artistes céramistes contemporains se nourrissent des traditions et savoir-faire immémoriaux ce n’est pas tant par nostalgie des valeurs du passé que pour replacer au centre de la création un retour au faire et une attention aux matières dans leur dimension sensible. La terre, l’eau, l’air, le feu ne sont plus de simples matériaux indifféremment manipulables, ils deviennent la substance même d’une imagination matérielle destinée à satisfaire aux urgences esthétiques et psychologiques. Nous nous approchons alors de la découverte bachelardienne d’une imagination comme capacité à ouvrir des possibles : N’est-ce pas le démon de la matière qui sollicite le peintre qui devient modeleur et sculpteur ? Au lyrisme de la couleur qui fut la joie de sa vie, il adjoint le lyrisme de la matière qui fait trembler d’émotion les doigts sur la glaise. 1

1 Gaston Bachelard, « Henri de Waroquier sculpteur : l’homme et son destin » (1952), in Le droit de rêver, p. 47

  • Martine Lusardy, directrice de la Halle Saint Pierre et commissaire d’expositions

L’exposition « HEY! CÉRAMIQUE.S »

L’exposition réunit 34 artistes de 13 pays. Pour certains d’entre eux, il s’agit d’une première présentation en Europe. Parmi les 250 œuvres proposées, un tiers des œuvres est produit pour l’exposition, c’est également inédit. Elles encouragent un regard nouveau sur la création contemporaine dans le domaine de la céramique.
« J’ai choisi les artistes et les œuvres pour leur pouvoir d’émerveillement et leur force d’évocation. La sélection embrasse des céramistes s’appuyant sur l’histoire du médium comme des artistes s’en échappant pour faire appel aux techniques mixtes. Une discussion ouverte est ainsi enclenchée vers un potentiel vivant des céramiques – comme autant de gestes et de formes pluriels s’y adossant » affirme Anne Richard / HEY!.
La vocation de l’exposition n’est donc pas ici d’illustrer une histoire de la céramique ni de différentier les techniques variées et traditionnelles la traversant, mais bien de témoigner du dynamisme inédit que connait cette pratique actuellement.

  • Anne Richard, commissaire invitée et fondatrice du la revue HEY! modern art & pop culture

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Aux Frontières de l’Art Brut

EXPOSITION en cours

AUX FRONTIÈRES DE L’ART BRUT
du 20 septembre 2023 au 25 février 2024
Dossier de presse (ici)

L’exposition « Aux Frontières de l’art brut » présente 15 artistes, inclassables selon les critères de l’art brut ou de l’art naïf traditionnel : Pierre Amourette, Gabriel Audebert, Mohamed Babahoum, Jean Branciard, Etty Buzyn, Marc Décimo, Roger Lorance, Patrick Navaï, Marion Oster, Jon Sarkin, Shinichi Sawada, Ronan-Jim Sevellec, Ghyslaine et Sylvain Staëlens et Yoshihiro Watanabe. Sans formation artistique pour la plupart mais possédés par le démon de la création, tous sont des expérimentateurs intarissables, obsessionnels, proliférants, dont l’univers a sa marque particulière, reconnaissable au premier coup d’œil. Peu habitués aux circuits professionnels de l’art, ils sont restés méconnus ou montrent avec discrétion les épiphanies d’une imagination sans limite.

Ceux qui en feront la découverte oublieront difficilement la dramaturgie des madones en céramique de Pierre Amourette, les méditations monstruosiformes de Roger Lorance ou le carnaval de la comédie humaine de Gabriel Audebert. Shinichi Sawada, lui, convoque les quatre éléments pour sculpter dans la terre d’étranges créatures hérissées de pointe, tenant tour à tour de l’humain, du reptile, de l’oursin et de l’oiseau. Mais c’est aussi un monde où la poésie en est l’élan vital. Mohamed Babahoum célèbre dans la petite chronique dessinée d’Essaouira, son village natal, les éclats fragiles de ses souvenirs recomposés. Patrick Navaï, poète et peintre traversé par les migrations, fait de son œuvre un voyage intime où les cultures du monde sont mises en relation, s’influencent et se transforment. En animant l’inanimé, Yoshihiro Watanabe réenchante le monde. Ses délicats « Ohira », origami en feuilles de chêne pliées, aux formes animales, restituent à la nature son langage. Renouer avec le vivant est également au cœur du travail de Marc Décimo. Ses assemblages entrelacent des éléments d’origine végétale dans des architectures évoquant l’immense pouvoir du mycélium. En écho, les véhicules forteresses de Jean Branciard sont des échappées salvatrices hors d’un monde trop fonctionnel et utilitaire, dans le désir de rendre au quotidien et aux objets qui le composent leur dignité. On peut y déceler une condamnation de la démesure humaine que Ronan-Jim Sevellec met en scène. L’artiste entretient avec les objets une passion obsessionnelle, et c’est dans le réalisme confondant de ses univers miniatures surannés, désertés de toute présence humaine, qu’il leur offre leur véritable existence. De leur vie dans la compagnie des hommes, les objets se sont chargés d’une mémoire et d’un pouvoir qui peuvent tenir de l’exorcisme et de la magie. Ainsi l’œuvre devient vœu, offrande dans les ex-votos de Marion Oster aux narrations mythologiques, magiques et oniriques. Ghyslaine et Sylvain Staëlens font resurgir dans l’alchimie liminaire de leurs sculptures les fantômes et les esprits de la forêt. Une déraison fondatrice parcourt cette exposition, qui est l’occasion d’en expérimenter quelques-unes des infinies ressources. Dans un torrent de mots et d’images, Jon Sarkin, dessine les possibilités de faire œuvrer ensemble l’espace de l’écrit et celui de la figure, rejetant l’abîme mental qui sépare le sensible de l’intelligible. Chez Etty Buzyn, la main écoute et ses entrelacs aux formes infinies et aléatoires tissent dans le sensible les liens disjoints de notre monde intérieur.

Échappant à l’orthodoxie des positions de Dubuffet, l’art brut est devenu une réalité patrimoniale ouverte dont les contours sont en perpétuelle évolution. Dans son sillage s’est épanoui un monde artistique hétérodoxe où des artistes, revendiquant pleinement leur statut, n’en sont pas moins en porte à faux avec « l’asphyxiante culture ». Préférant la liberté des chemins insolites, des artistes aux entreprises très différentes, désignées sous les étiquettes interchangeables d’art singulier, hors-les-normes, outsider, neuve invention ou sans étiquette du tout, ont fait de leurs œuvres le lieu d’un véritable théâtre privé, le support d’un récit profondément personnel, où l’angoisse de la mort n’est nullement incompatible avec la joie d’exister.
C’est en compagnie de cette tribu créatrice, complexe et plurielle, que la Halle Saint Pierre continue d’avancer.

Martine Lusardy, commissaire de l’exposition

 

LA FABULOSERIE

EXPOSITION EN COURS
 
LA FABULOSERIE
25 JANVIER – 25 AOÛT 2023

Téléchargez le dossier de presse ICI

Alain Bourbonnais, Puéril Magic ! / recto-verso, 1972

La Fabuloserie a 40 ans.

Cette date anniversaire est pour la Halle Saint Pierre l’occasion de célébrer la collection qu’Alain et Caroline Bourbonnais ont rassemblée avec une passion insatiable à partir de 1972, à Paris d’abord à l’Atelier Jacob puis à Dicy en Bourgogne dans un domaine aménagé en une maison-musée et un jardin habité. Une collection sous le vent de l’art brut qui, si elle poursuit la démarche initiale de Jean Dubuffet, s’en écarte librement pour imposer le regard, le goût et la sensibilité de ses fondateurs. A la croisée de l’art brut, de l’art naïf et de l’art populaire, également ouvert sur les cultures extra occidentales, l’art hors-les-normes de La Fabuloserie n’a cessé d’accueillir les œuvres singulières de créateurs dépourvus de soucis esthétiques, qui ne se disent ou ne se pensent pas professionnels de l’art. Pour ces hommes du commun habités par une force créatrice irrépressible, Alain Bourbonnais voulait « un temple du rêve, de l’imagination, de l’émotion » ce que Michel Ragon résuma parfaitement :  
Avec toute l’ingéniosité de l’architecte qui en avait soupé de l’architecture rationnelle et rêvait d’anarchitecture, Alain Bourbonnais aménagea un parcours initiatique, un labyrinthe avec des chambres à surprises que l’on ouvre subrepticement, quitte à en ressortir avec frisson et horreur, comme dans la chambre noire où s’affalent les bourrages de Marschall. On gravit des escaliers de meunier. On traverse des murs. Tout est étrange. Tout est surprenant. Tout est insolite. Tout vous agresse. Tout vous enchante. Ce voyage qui surprend, émerveille, déconcerte et stupéfie à la fois, se prolonge dans le parc où les bâtisseurs de l’imaginaire et inspirés du bord des routes ont trouvé leur derrière demeure. Leur œuvre de toute une vie passée à transfigurer leur environnement quotidien en un paradis personnel, est réinterprétée et préservée, échappant ainsi à la destruction et à l’oubli. Point d’orgue au fond du parc, au-delà de l’étang, « le Manège de Petit Pierre » se dresse comme la promesse d’un moment magique et enchanteur.

Alain Bourbonnais était aussi créateur, sans limite, à la fois peintre, dessinateur, graveur, metteur en scène, réalisateur de courts métrages. Ses Turbulents, sortes d’automates mécanisés confectionnés avec des matériaux du quotidien forment une tribu truculente de personnages à la fois rabelaisiens et ubuesques, tout droit surgis d’une fête foraine ou d’un carnaval. « Tout ce qui imite, obéit aux règles, se coule dans le moule me répugne ! Inventer, chercher, expérimenter, jouer, insulter : voilà qui me convient ! ». Un esprit libertaire anime donc son œuvre éprise de démesure qui a trouvé, dans le compagnonnage des créations rebelles aux normes, les mêmes forces de vie pour que l’art puisse encore être « cette étincelle qui cherche la poudrière », selon les mots d’André Breton.

La Fabuloserie conserve la magie du cabinet de curiosités. Un souffle émancipatoire y libère les sens et l’imaginaire en nous faisant rencontrer dans un esprit surréaliste des objets et des œuvres dont on ne soupçonnait pas même l’existence. Chaque œuvre demeure un objet de désir que la passion du collectionneur a su ne pas étouffer dans un intemporel esthétique de muséification. C’est cette passion privée qui fut à l’origine des premières collections d’art brut avant sa vulgarisation et son institutionnalisation. C’est à l’oeil de tous ces pionniers que la Halle Saint Pierre voulut rendre hommage en 1995 en les invitant à venir montrer les plus caractéristiques de leurs trouvailles dans l’exposition Art Brut et Compagnie, la face cachée de l’art contemporain. Au côté de la Collection de l’Art Brut, étaient réunies La Fabuloserie, l’Aracine, le Site de la Création Franche, la Collection Cérès Franco et le Petit Musée du Bizarre qui venaient ainsi combler le grand silence institutionnel et médiatique qui suivit l’exposition légendaire des Singuliers de l’Art au Musée d’art moderne de la Ville de Paris en 1978.

Depuis, les routes de la Halle Saint Pierre et de La Fabuloserie n’ont cessé de se croiser : Aux frontières de l’art brut II en 2001, Banditi Dell’Arte en 2012, HEY ! Acte III en 2015, puis HEY ! Le dessin en 2022 furent autant d’occasions de faire exister un autre monde de l’art et d’appréhender, en dehors de toute logique de hiérarchie, les subtiles parentés qui l’animent. La Fabuloserie a 40 ans. L’Atelier Jacob aurait 50 ans. Il est jubilatoire de célébrer le demi-siècle d’une collection dont l’exigence aura été de libérer l’art et la création de ses multiples prisons et de réenchanter l’existence même des êtres et des choses. Une collection buissonnière où chaque œuvre révèle les fils invisibles qui relient l’intime à l’universel, le banal au singulier, l’émotion à la pensée, l’archaïque à la culture. 

  • Martine Lusardy, (texte du catalogue)


LES ARTISTES

VISUELS ARTISTES

LA FABULOSERIE A DICY

HEY! Le dessin

HEY! LE DESSIN
22 JANVIER  – 31 DÉCEMBRE 2022
DOSSIER DE PRESSE  –  press KIT

Dessin de LAURIE LIPTON, ALONE IN A ROOM, 2018 

Laurie lipton, DRAWINGS, 2022

HEY ! Le dessin
22 JANVIER  – 31 DÉCEMBRE 2022

La Halle Saint Pierre présente du 22 janvier au 31 décembre 2022 une nouvelle exposition qui sera dédiée au dessin : HEY ! Le Dessin. Après quatre expositions fondatrices consacrées à la pop culture (2011, 2013, 2017 et 2019), la Halle Saint Pierre et la revue HEY! modern Art & Pop Culture s’associent à nouveau pour poursuivre leur exploration de la scène artistique alternative.

HEY ! Le Dessin
Le dessin est mis à l’honneur comme geste créateur fondamental et les possibilités de développement qu’il suscite. Par l’exclamation HEY! Le Dessin, l’exposition manifeste d’emblée son intention : convoquer la surprise, la curiosité, l’émerveillement, le rejet, l’attraction, l’émotion, l’angoisse. Elle n’a aucune prétention à l’exhaustivité, ni à une histoire du dessin.

L’exposition réunit soixante artistes internationaux auxquels s’ajoutent un ensemble inédit d’œuvres d’art carcéral japonais ainsi que des dessins préparatoires de graffiti abordés sous un nouveau regard. Elle offre une large visibilité à des arts porteurs d’une esthétique contemporaine dans laquelle l’énergie créatrice de la contre-culture est une force double de proposition et de contestation.

On retrouvera en effet dans cette exposition les figures séditieuses du lowbrow art nourries de l’iconographie des médias populaires, les fantasmographies du pop surréalisme redécouvrant l’héritage des grandes traditions picturales, les tribunes libres du street art et le « moi-peau » du tatouage, les échappées individuelles et solitaires de l’art brut et les expressions raffinées et libertaires d’un « œil à l’état sauvage ». L’altérité artistique y est présentée dans sa diversité et sa complexité comme forme de résistance contre l’appauvrissement de notre imaginaire collectif.
– Martine Lusardy, directrice de la Halle Saint Pierre

LE CATALOGUE

LES ARTISTES

Commissaire invitÉe : Anne Richard


* Laurie Lipton – Née en 1953 à New York (États-Unis). Vit et travaille à Los Angeles. Laurie Lipton dessine depuis toujours. Diplômée de l’université Carnegie-Mellon, Pennsylvanie, elle passe trente-six ans en Europe (Pays-Bas, Belgique, Allemagne, France) puis revient s’établir aux États-Unis en 2011. L’artiste est d’abord inspirée par les peintures religieuses de l’école flamande du XVIe siècle, un style qu’elle tente d’apprendre, sans succès. Lors de ses voyages étudiants, elle commence à mettre au point sa propre technique de dessin, consistant à créer toutes sortes de nuances à l’aide de milliers de fines lignes hachurées, comme une peinture à la détrempe à l’œuf. « C’est une façon insensée de dessiner » dit-elle, « mais les détails et la luminosité qui en résultent en valent la peine. Mes dessins prennent plus de temps à créer qu’une peinture de taille et de détails égaux. » À partir des années 1990, de cette recherche acharnée résulte une technique spectaculaire et des sujets originaux sur grands formats. Ses œuvres, virales sur Internet, deviennent une source d’inspiration pour l’ensemble des dessinateurs qui les observent. Qualifiant son dessin de « réalisme psychologique », l’artiste métaphorise l’activité humaine. Les œuvres présentées ici proviennent de deux séries distinctes (Techno Rococo ; Post Truth) où l’artiste conscientise nos besoins de communication altérés par la technologie, pour essentialiser l’époque contemporaine utlra connectée. Laurie Lipton a fait l’objet de multiples expositions en Europe et aux États-Unis intégrant un grand nombre de collections prestigieuses. HEY! Le Dessin est sa première exposition en France.


PARTENARIATS

DRAWING NOW ART FAIR & PRINTEMPS DU DESSIN 2022

 

OAF Paris 2022 : 10e anniversaire / 15–18 septembre 2022 / Atelier Richelieu


LES VISUELS

 

Tranchée Racine

 

TRANCHéE RACINE

du 19 mai 2021 au 2 janvier 2022
Dossier de Presse ici

TRANCHÉE RACINE est un manifeste artistique initié par Stéphane Blanquet. A l’origine édition d’images graphiques fédérant une internationale de dessinateurs, elle se transforme en exposition du 19 mai 2021 au 2 janvier 2022, pour accompagner la monographie DANS LES TÊTES DE STÉPHANE BLANQUET.

Artistes viscéraux, généreux, hypnotiques, obsessionnels, ils viennent de tous les courants et contre-courants. Agitateurs rebelles, bruyants, cruels, généreux, non-conformistes, ils incarnent l’archétype du fripon divin, que Michel Maffesoli évoque dans La Part du Diable :
« Il favorise la rébellion ponctuelle, il suscite l’hérésie libératrice, il dynamise la création artistique, il permet la marginalité fondatrice… L’excès, le démonisme, les multiples effervescences de divers ordres, sont là, qui affirment que Dionysos est bien le « roi clandestin » de l’époque. [1]».

            Cet esprit rebelle et libertaire est le lien entre tous ces artistes, une racine démultipliée, qui interroge notre rapport à la sexualité, à la mort, à la nature, à l’animal, au végétal, à la politique, à l’image ….  Leurs créations sont autant de possibles, de devenirs qui tissent leur relation dans un imaginaire ouvert.

             La Tranchée Racine, publication, présente, au fil de ses 42 numéros, plus de 500 œuvres et artistes venus du monde entier dont des personnalités bien connues du grand public comme Sophie Calle, Raymond Pettibon, Tanaami Keiichi, Andres Serrano ou les frères Jake et Dinos Chapman.

[1] Michel Maffesoli, La Part du Diable, précis de subversion postmoderne, Flammarion, 2002

– Martine Lusardy

 

TranchéE Racine

Les artistes

 

Noviadi Angkasapura / Indonésie – Marcelo Bordese / Argentine – Joseph Callioni / France – Matthew Couper / Nouvelle-Zélande – Yukinori Dehara / Japon – Francis Deschodt / France – Luca Desienna / Italie – Jesper Fabricius / Danemark – Takayuki Futakuchi / Japon – Michel Gouéry / France – Didier Hamey / France – Antwan Horfee / France – Joël Hubaut / France – Hasanul Isyraf Idris / Malaisie – Seb Jarnot / France – Doktor Karayom / Philippines – Wataru Kasahara / Japon – Kyota Kawai / Japon – Kid Xanthrax / Canada Hope Kroll / USA  – Jaky La  Brune / France – Tereza Lochmann / République Tchèque – Arnaud Loumeau / France – Eva Maceková / Slovaquie – Jacques Pyon / France – Pablo Querea / Mexique – Samplerman / France – SI ON / Corée – Y5/P5 / France.

Et l’atelier LA « S » / Belgique avec Gabriel Evrard, Piet du Congo, Irène Gérard, Jean Leclercq, Pascal Leyder, Barbara Massart, Marcel Schmitz, Dominique Théate. 

 

 

 

 

STÉPHANE BLANQUET

« DANS LES TÊTES DE STÉPHANE BLANQUET » 

JUSQU’au 2 JANVIER 2022
Halle Saint Pierre


 

Une exposition en 2 temps  :

  • du 5 septembre 2020 au 2 janvier 2022, au rez de chaussée, une exposition évolutive : tous les quatre mois, Stéphane Blanquet présente de nouvelles œuvres – installations, œuvres peu montrées, tapisseries, totems, de nouvelles têtes -.

  • du 19 mai 2021 au 2 janvier 2022, exposition TRANCHEE RACINE, Stéphane Blanquet investit l’espace à l’étage avec une cinquantaine d’artistes du monde entier – peintres, collagistes, dessinateurs … -. 

  • Durant l’exposition, Stéphane Blanquet éditera un hebdomadaire,
    La Tranchée Racine, excroissance graphique, en couleurs, de exposition, présentant les œuvres de près de 500 artistes du monde entier.


    LE CATALOGUE


    Textes de Martine Lusardy, Vincent Ravalec, Gilbert Lascault.
    édition bilingue (français / anglais)

    20 x 26 cm (relié, couv. toilée)
    360 pages (ill. coul. et n&b)
    Disponible à la librairie de la Halle Saint Pierre : 25.00 €

     

    L’HEBDOMADAIRE

    La Tranchée Racine, numéro 1 spécial Stéphane Blanquet
    12 pages – 47,5 x 66 cm- 5€
    (disponible à la librairie de la Halle Saint Pierre)

*
DANS LES TÊTES DE STÉPHANE BLANQUET

Par Martine Lusardy, directrice de la Halle Saint Pierre

Présenté à la Halle Saint Pierre en 2011/2012 dans le cadre de l’exposition HEY! modern art & pop culture par Anne et Julien, Stéphane Blanquet y conçut spécialement une installation. Celle-ci portait très haut l’enjeu de l’exposition : affirmer la vitalité de ces expressions artistiques individuelles et autonomes qui rompent avec les conventions et les codes dominants et renversent les valeurs établies du “beau” et du “laid”, du bon” et du “mauvais” goût. L’artiste revient aujourd’hui en nos murs déployer son imaginaire tentaculaire : une carte blanche qui sera également pour lui l’occasion d’inviter des artistes avec qui il partage le même goût pour notre humanité souterraine.

Dessinateur, plasticien, metteur en scène, réalisateur, Stéphane Blanquet a derrière lui un long parcours dans le milieu de l’édition où il a fondé en 1990 le mythique Chacal Puant, primé au festival de la BD d’Angoulême en 1996 pour le graphzine La Monstrueuse puis les United Dead Artists. Considéré comme l’une des figures majeures de la scène artistique underground, son univers tourmenté déborde largement du cadre de sa production graphique. Installations, spectacle vivant, scénographie, cinéma d’animation, costumes et décors de théâtre, jouets, poupées et autres objets atypiques et subversifs, ombres chinoises, sont autant d’espace de création où Stéphane Blanquet signifie son parti pris : « La sous-culture est plus pernicieuse, plus virulente, plus vicieuse que l’art. L’art on sait où le trouver, il est au chaud, même s’il se dit violent ou anarchiste, il restera bien au chaud sous ses dorures. La sous-culture, elle, ne fait pas semblant, ne se donne pas de médailles, ou alors en chocolat. La sous-culture est toujours en danger, cachée dans la jungle, entre un paquet de lessive et des jouets en plastique bon marché. Même si parfois je flirte avec le milieu chaud et confortable, même si j’y glisse un doigt ou bien même un bras, le reste de mon corps est dans les intempéries des sous-sols ».
Les sous-sols seraient donc l’univers matriciel de Blanquet, un underground culturel réel où naissent ses images abrasives, mais aussi le lieu symbolique d’où provient la voix qui les anime. Ses influences seraient à chercher du côté de la bande dessinée érotique bon marché des années 70 à 90, notamment celle du sulfureux éditeur français Elvifrance. Cette littérature de gare licencieuse, au sexe explicite et à l’horreur débridée, aura été une inspiration directe.

L’exploration artistique de nos mondes psychiques et mythiques selon Stéphane Blanquet met à découvert ce que nous pensions connaître : le monde des pulsions, du sexe et de l’organique « Si on regarde bien, je dessine une brindille comme si c’était un organe, de l’herbe comme des poils, c’est une vision organique de tout, tout transpire plus ou moins, et tout est vivant… Et puis, il est bien plus passionnant de dessiner, de faire vivre des morceaux, cela devient comme des paysages, falaises de gorges, forêt de vulves, ça devient plus intéressant qu’une petite balade dans la campagne ». Ce langage issu des profondeurs du corps humain est à même de rendre accessibles l’indicible, l’impensable, l’inavoué.  Mais si Éros est ici généreux, s’il sécrète dans une joyeuse abondance, sa force vitale et créatrice n’en est pas moins inquiétante dans son engendrement jusqu’à l’obscène, dans sa prolifération jusqu’à la monstruosité. « Vomir sa propre œuvre, face au vide, face à l’encre épaisse, face à son propre dégoût, soi- même, c’est là qu’est l’impact. Face à face. Être seul et vomir sa propre mélasse, son propre jus, noir ou rouge, pourvu qu’il ne soit pas transparent ». Le corps, pour Blanquet, est instauré en une réserve de vitalité inépuisable, une véritable usine où chaque organe ne s’arrête pas à une fonction biologique mais prend alors un statut expressif, dévidant sur le monde environnant ses sécrétions symboliques. Le désir s’impose-t-il avec trop de force ?  Il doit alors faire exploser les têtes, les sexes, les faire cascades de liquides.

Le monde selon Stéphane Blanquet est un monde réduit à ses soubassements pulsionnels et organiques.  Mais l’artiste en établit sa propre topographie, créant dans un style exubérant, presque effrayant, de nouvelles relations entre les mots, les images et les corps. Il les dévoile autant qu’il les recouvre par leur étrangeté cruelle, grotesque, excessive.  Un extrême que l’on retrouve déjà dans nombre de ses titres : Goudron Pressage – Sillon Tympan, Vide point . rose trou, Mâchoires noires, Blanquet gangrène Tokyo, Blanquet s’ouvre la panse, Labyrinthique intestin, Chambre avec vue sur mes cauchemars, Rendez-vous Moi en Toi, La Vénéneuse aux deux éperons,  Chocottes au sous-sol !, La nouvelle aux pis, Viande froide et Cie, Le Fantôme des autres, Mon méchant moi, Monographie lacrymale.

Blanquet choque, provoque, trouble, aime créer le malaise en manipulant nos frustrations et ses propres obsessions. Son univers torturé, angoissé est peuplé d’hommes, de femmes et d’enfants que nous voyons habités par le démon de la perversité. Mais cette tension entre innocence et cruauté, entre jubilation sexuelle et pulsion de mort n’est pas désespérance sans issue. Blanquet fait la peau au refoulé, ressuscite la chair, les corps délivrés de la culpabilité et de la peur de mourir.  
« S’user jusqu’à la corde, raide, raide et rouge. La radicalité d’une œuvre n’est pas collective, elle ne peut l’être, elle est avec soi-même, sans posture, à poil devant la mort ».


Présentation de l’exposition par Stéphane BLANQUET

Il est très rare que l’on vous donne les clefs d’un lieu pour l’investir entièrement, sur une longue période, en vous laissant libre de s’y déployer de bas en haut, sur tous les murs, dans tous les espaces, de l’investir avec des images, des dessins, des sculptures, des expérimentations visuelles, des couleurs et lumières rouges vives, des nouvelles pièces rêvées pour le lieu. Il faut l’investir, se répandre, s’ouvrir soi-même et aller chercher sa propre matière. C’est à l’intérieur de soi que ça se passe, à l’intérieur de moi que sont mes images, mon univers, mes univers. Une tête ne suffit pas à contenir toutes mes envies, il m’en faut toujours plus, comme à mon habitude, plus de tout, plus de couleurs, plus d’espace, et évidemment plus de têtes. Plus d’univers nécessite / appelle / exige / signifie plus de têtes.

Dans les têtes de Stéphane Blanquet – dans mes têtes.
Une exposition d’un an ne peut pas rester statique, je suis trop agité pour la laisser dormir confortablement. Il me faut de l’inconfort et mon inconfort sera généreux. Diviser un an en trois temps, exposition évolutive en trois moments, tous les quatre mois réinvestir l’espace, le faire évoluer avec de nouvelles images, de nouvelles installations, des œuvres peu vues, des nouvelles tapisseries, des nouveaux totems, de nouvelles têtes. Pourquoi s’arrêter là ? Ce n’est pas suffisant, ce n’est jamais assez, alors déployons. Au-dessus de moi, à l’étage, au-dessus de mes têtes, je veux montrer d’autres univers, des univers frères, des univers sœurs. Des invités du monde entier. Des peintres, des collagistes, des dessinateurs, des artistes du monde entier, en deux expositions successives, une cinquantaine d’artistes. Il faut se déployer dans la générosité. Donc, en même temps que les murs, lancer un journal, un hebdomadaire, La Tranchée Racine. Chaque semaine, sur toute la durée de l’exposition, une excroissance graphique, en couleurs, imprimée sur un beau papier. 40 numéros, 500 artistes du monde entier. Il faut au moins ça, c’est un minimum. Il faut le maximum. Dans mes têtes, c’est comme ça.

STEPHANE BLANQUET

Artiste plasticien, dessinateur, créateur multimédia… Stéphane Blanquet (1973) développe un foisonnement d’images, de formes et de sons depuis la fin des années 1980 : œuvres d’art, installations, spectacle vivant et scénographie, édition indépendante, art urbain, cinéma d’animation, musique… Il enrichit son travail en explorant avec passion les technologies et techniques les plus variées, des plus traditionnelles aux plus avant-gardistes : dessin à la plume, lithographie, tapisserie numérique, outils informatiques…
En 1993, Blanquet, invité par Jacques Noël pour une première exposition solo, présente « Exposition Posthume » au Regard Moderne à Paris. Depuis, son travail est régulièrement montré: MAC Lyon, Singapore Art Museum, Musée des Arts Décoratifs (Paris), Hayward Gallery (Londres), Halle Saint-Pierre (Paris), Museum of Fine Arts Boston (USA)… Récemment, il a présenté des expositions personnelles au Centre Georges Pompidou à Paris en 2016, au Fürstenfeldbruck Kunsthaus (Allemagne) en 2017 et à l’Abbaye d’Auberive en 2018.

Quelques œuvres emblématiques de Blanquet :

  • la grande fresque murale au Museumsquartier de Vienne (Autriche)
  • l’installation immersive « le train fantôme », présentée pour la première fois au MAC Lyon en 2009. Pour la parcourir, les visiteurs doivent prendre place dans des wagonnets et pédaler.
  • la pièce de théâtre « Comment ai-je pu tenir là-dedans ? », co-créée avec Jean Lambert-wild, nominée aux Molières 2010
  • l’installation sonore exposée au Centre Georges Pompidou en 2016 avec la participation de The Residents, Mike Patton, John Zorn, Ikue Mori, Lydia Lunch, Pierre Bastien…
  • la création, en 2018, d’une tapisserie à 4 mains avec l’artiste japonais Tanaami Keiichi, « Unexpected Incident », présentée pour la première fois à l’Abbaye d’Auberive.

    Blanquet met au cœur de sa démarche artistique les échanges avec artistes et créateurs du monde entier : réalisation d’œuvres en collaboration, édition et organisation d’expositions. « United Dead Artists », sa maison d’édition, c’est plus de 140 publications, largement diffusées, présentant le travail de 350 artistes dont Tanaami Keiichi, Manuel Ocampo, David Lynch, Jérôme Zonder…

Focus :

En 2015, Blanquet attaque un projet ambitieux : une série de 40 tapisseries appelée « Les Drames Satyriques » librement inspirée par « Les Désastres de la Guerre » de Goya. Ces tapisseries traitent de la violence des civilisations humaines et de ses corolaires dont la mort. Elles sont réalisées avec des fils de coton, de soie, synthétiques, de lin et d’autres plus surprenants, toujours dans des couleurs soutenues. Les tapisseries ont une taille similaire, environ 170 x 250 cm et un bord rouge. Chacune fait l’objet d’une édition limitée à 8 exemplaires.

Principales expositions :

  • Halle Saint Pierre, Paris (France), « Dans les têtes de Stéphane Blanquet », solo, septembre 2020 à juillet 2021
  • Abbaye d’Auberive (France), « Par les masques écornés », solo, 2018
  • Fürstenfeldbruck Kunsthaus (Allemagne), « New Lung Seeded Inside », solo, 2017
  • LAAC Dunkerque (France), « Musique à voir », collective, 2017
  • Centre Georges Pompidou, Paris (France), « Goudron Pressage . Sillon Tympan », solo, 2016
  • Ferme du Buisson, Noisiel (France), « La Colonne d’Appendices », solo, 2016
  • Halle Saint-Pierre, Paris (France), « L’Esprit Singulier », collective, 2016
  • Singapore Art Museum (Singapour), « Glossy Dreams in Depths », solo, 2013
  • Night Lights Festival (Singapour), « Distorted Forest », collective, 2012
  • Wharf, Centre d’art contemporain de Basse-Normandie, Caen (France), « Le boyau Noir », solo, 2012
  • Musée d’art contemporain de Lyon (France), « Quintet », collective, 2009

Principales publications :

  • « Carnet d’hiver 2017 », United Dead Artists, 2018
  • « Rose trou », Les Crocs Electriques, #101, 2017
  • « Par au dessus dessous », Les Crocs Electriques, #30, 2017
  • « Rendez-vous Moi en Toi », United Dead Artists, 2014
  • « Le Boyau Noir », Editions du Wharf (Centre d’art contemporain de Basse-Normandie), 2011
  • « Monographie lacrymale », Edition de l’An 02/Actes Sud, 2005 (préface Gaspar Noé)
  • « Rétrographie », Maison de la culture de Tournai, 2001

Articles récents :

  • Les Nouvelles de l’Estampe, N°257, hiver 2016/2017, article de Lise Fauchereau
  • Soixante-Quinze, N°5, septembre 2016, article de Philippe Schaller
  • Raw vision, #90, Summer 2016, article de Alla Chernetska



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Le monde selon Roger Ballen

LE MONDE SELON ROGER bALLEN
nouvelle présentation du 6 AOÛT 2020 au 3 janvier 2021
 
The world according to Roger Ballen 
New presentation from AUGUST 6, 2020 to January 3, 2021

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Catalogues français et anglais disponibles à la librairie de la Halle Saint Pierre

*
Le monde selon Roger Ballen
Par Martine Lusardy (en introduction du catalogue)

Roger Ballen règne sur le monde noir et blanc de la psyché humaine. Troublante, provocante et énigmatique, l’œuvre du photographe sud-africain d’origine américaine, géologue de formation, exprime le sentiment de confusion de l’homme confronté au non-sens de son existence et du monde même. Ballen enchaîne depuis plus de trente ans les expositions dans les hauts lieux de la culture. Si chacune d’entre elles est un événement, son choix d’exposer à la Halle Saint Pierre, musée atypique consacré à l’art brut et aux formes hors normes de la création, marque son indépendance vis-à-vis des modes artistiques. Pour la Halle Saint Pierre la collaboration avec Roger Ballen est une invitation à mettre à l’œuvre – ou à l’épreuve – cette altérité artistique et culturelle que représente l’art brut. L’artiste n’a cessé de soutenir dans son rapport à la création un art qui s’origine dans les couches profondes de l’être humain ; il n’a cessé de tendre, à la manière d’Antonin Artaud, vers un art d’appel à l’origine.

C’est dans les hors-champs de la culture, ceux de la claustration et de  l’exclusion, que Jean Dubuffet va reterritorialiser l’art, avec l’idée qu’il y est plus authentique et singulier. Créateurs réfractaires ou imperméables aux normes et valeurs de « l’asphyxiante culture » sont les hérauts d’un nouveau rapport au monde dont ils défrichent les potentialités inexploitées. Pour eux la création est une protestation de la vie devant la menace du néant. La dimension singulière de cette expérience humaine, parce qu’elle s’inscrit dans des objets artistiques improbables mais à même de représenter cet appel d’être, ne peut être accueillie qu’avec sa charge d’étrangeté et d’inquiétude. L’esprit du temps se reconnait dans cet art extrême et il faut alors oser les emprunter les chemins qui y conduisent, réinventer les formes et le langage qui les rendent sensibles et supportables. Penser avec l’art brut offrirait une direction possible pour nos quêtes de vérité et de sens.

« Mes 18 ans furent l’âge où je connus un désir existentiel profond que rien ne pouvait apaiser, ni d’avoir grandi dans une banlieue juive ni mon éducation », écrit Ballen dans Ballenesque (2017). « Comme beaucoup de personnes dans le milieu de la contre-culture, je ressentais le besoin de rompre avec le matérialisme de la société occidentale […] de poursuivre comme Conrad la quête du « cœur des ténèbres », de chercher le nirvana à l’Est. À l’automne 1973, presque sans prévenir, je quittai les États-Unis pour un voyage de cinq ans qui me conduisit sur les routes du Caire à Cape Town, d’Istanbul à la Nouvelle-Guinée. » De retour aux États-Unis en 1977, Ballen y termine son premier livre de photographies, Boyhood (1979) – vision personnelle du thème intemporel de l’enfance –, et obtient en 1981 son doctorat en économie minière. L’année suivante, il s’installe en Afrique du Sud, à Johannesburg, mais la sécurité matérielle que lui procure le métier de géologue ne met nullement un terme à ses interrogations sur le sens de la vie. Et c’est muni de son appareil photo qu’il se livre à une autre activité : l’investigation d’une Afrique du Sud pauvre et profondément rurale, une Afrique refoulée, comme métaphore d’un voyage introspectif, identitaire et esthétique.

Lorsque Roger Ballen photographie ces Sud-Africains marginalisés par la peur, la misère et l’isolement, il transforme le temps de ceux-là mêmes qui vivent dans le monde du geste répétitif et absurde en un autre temps où ils deviennent les auteurs d’un univers plastique qu’ils ont engendré.

Dans Dorps, Small Towns of South Africa (1986), Ballen nous montre ces petites villes d’Afrique du Sud en pleine décadence, avec leurs architectures et leurs habitants. Attiré par « leur gloire croulante et décolorée avec leur avant-goût de décrépitude et leurs restes de promesses inaccomplies », il entre littéralement et métaphoriquement dans cet univers dont il enregistre les anomalies visuelles et culturelles comme les signes d’une culture agonisante. Puis il dresse avec Platteland (1994) le portrait réaliste et pitoyable du monde rural pendant l’Apartheid. Il photographie dans leur quotidien et leur intimité les protagonistes d’un désarroi politique, économique et racial avec leurs dégâts physiques et psychiques. Mais plus que les événements eux-mêmes ce sont leurs manifestations comme drames visuels qui, à ses yeux, font sens. Beaucoup de murs qu’il a photographiés revêtent selon lui la qualité d’œuvres d’art et auraient leur place dans un musée. Pour le photographe, il ne s’agit donc pas seulement d’une prise de conscience mais aussi d’une prise de vision. En effet, bien qu’habitées par une force documentaire et sociale inévitable, ses photographies ne sont pas des images déterminées socialement. L’acte de photographier s’impose, non comme un témoignage, mais comme un devoir de transfiguration. Ce sont les profondeurs de l’âme humaine que la photographie de Roger Ballen explore, là où le monde qui a perdu le sens de l’équilibre a laissé le trouble de sa trace.

Depuis 1995, les expérimentations visuelles de Ballen rendent continuellement incertaines les frontières entre réalité et fiction. Passant d’une esthétisation du réel à une esthétisation de l’inconscient, sa photographie creuse un paysage mental qui n’est pas sans évoquer les paysages mentaux de Dubuffet, ces « paysages de cervelle » par lesquels le peintre visait à restituer le monde immatériel qui habite l’esprit de l’homme[1]. Mais c’est surtout avec le théâtre de Samuel Beckett, à qui il consacra un film en 1972, que l’ensemble de l’œuvre de Roger Ballen entre en résonance. Il exprime un même sentiment de confusion et d’aliénation face à un monde incompréhensible et irrationnel où l’homme désarmé, dépossédé, porte en lui le poids de la condition humaine. Tout comme Beckett, Ballen rend cette réalité dans toute sa cruauté et son absurdité.

Outland en 2001, Shadow Chamber en 2005 puis Boarding House en 2009 marquent la mise en place lucide d’un style et d’un vocabulaire uniques. Ballen introduit la mise en scène où il projette ce vertige existentiel. Sous le théâtre la vérité. Les marginaux avec qui il interagit et avec qui il a construit au fil du temps des relations fortes de sympathie deviennent eux-mêmes les acteurs drôles et pathétiques de ses psychodrames, non plus dans un contexte social mais dans un univers plastique et créateur. Leurs gestes, leurs préoccupations, intensifiés, semblent dépourvus de sens. Leurs corps – « véhicules de l’être au monde » pour reprendre les termes de Merleau-Ponty –, amoindris, décrépis, déformés, puis n’existant que par fragments témoignent de leur désarroi d’avoir perdu l’évidence de leur relation au monde.

Tous ces personnages sont représentés dans des espaces cellulaires indéterminés, crasseux et poussiéreux, sans fenêtres ; seul le mur, omniprésent, en délimite le cadre tant physique que mental. Support de signes, de dessins, de graffitis, le mur, maculé, enregistre les récits, les croyances, les fuites impossibles. Tout comme les animaux, les objets fatigués – dérisoires ou insolites – sont élevés au rang de protagonistes surréalistes d’une scène dont ils brouillent encore plus le sens. Les fils métalliques, électriques, téléphoniques, suspendus, emmêlés, par leur manifestation récurrente, envahissante, obsessionnelle, sont comme autant de symptômes de liens perdus. L’absurde domine l’espace et le structure. Peu de choses sont laissées au hasard comme l’explique Ballen : « Quant au format carré, c’est à mes yeux la forme parfaite. Il y a un idéal géométrique dans le carré. Tous les éléments sont à égalité, ce qui m’est primordial. Chez moi, ce sont les formes qui comptent, mes photos se jouent dans leurs correspondances. » Mais rien n’a de sens apparent tout comme l’écriture de Beckett bouleversant les constructions et fonctions grammaticales usuelles.

Fruit de plusieurs années de travail, Asylum of the Birds, dramatique et onirique, est le lieu métaphorique à la fois du refuge et de l’enfermement. La condition humaine s’y raconte en l’absence de l’homme. Dans un décor de décharge abandonnée, quelques êtres égarés, corps morcelés ou privés le plus souvent de leur verticalité, cohabitent avec une colonie d’animaux. L’oiseau, maître des lieux, libre, assiste à l’effacement de la vie humaine. L’humanité ne résiste que par sa trace : figures de son double – poupées, mannequins, masques ; objets démantelés, rescapés d’une vie antérieure dont ils ne sont plus que la mémoire ; dessins tracés sur les murs, témoins de l’antique geste de recréer le monde. Évoquant la série des non-lieux, œuvre ultime de Dubuffet à l’inspiration profondément nihiliste, Asylum vise à représenter non plus le monde mais l’incorporalité du monde, ce néant peuplé des fantasmes et fantômes que nous y projetons.

La référence au monde réel disparaît même dans le Théâtre d’apparitions (2016). Dans les images de ce livre qui occupent un espace entre la peinture, le dessin, la photographie, la figure humaine est spectrale, réduite à ses pulsions, ses désirs et ses angoisses.

Au fil des années s’est mis en place le monde selon Roger Ballen, né de et dans son rapport à la photographie. Nul doute que la rencontre avec la réalité sociale et psychologique de l’Afrique du Sud, en particulier de ses « dorps » fut pour lui une expérience fondatrice : « La découverte de tels lieux signifiait pour moi que j’aurais à y revenir souvent, attiré là par des raisons inexplicables. » Si trouble il y a devant ces univers perçus pour leurs valeurs plastique et esthétique, c’est que, situés en deçà des événements historiques, ils mettent à nu ce sentiment d’aliénation ressenti dans un monde où les êtres sont exilés d’eux-mêmes. Mais il faudra que l’image se libère de son caractère indiciel pour que l’imaginaire « ballenesque » puisse se réaliser comme métaphore de la condition humaine. Un imaginaire que l’artiste prolongera dans la vidéo et l’installation comme théâtralisation de sa vision dystopique du monde. L’entre-deux, lieu de l’incessant va-et-vient entre animé et inanimé, réalité et fiction, humanité et animalité, présence et effacement, nous mène à un espace intérieur aux frontières incertaines. « Mes images ont de multiples épaisseurs de sens et pour moi il est impossible de dire qu’une photographie concerne autre chose que moi-même », aime à rappeler Ballen en écho aux mots de Dubuffet : « L’homme européen ferait bien de détourner par moments son regard, trop rivé à son idéal d’homme social policé et raisonnable, et s’attacher à la sauvegarde extrêmement précieuse à mon sens, de la part de son être demeurée sauvage. »

  • Martine Lusardy, commissaire de l’exposition
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    [1] Jean Dubuffet, Prospectus et tous écrits suivants, réunis et présentés par Hubert Damisch, t. II (1944-1965), Paris, Gallimard, 1967 (1986)

Roger Ballen est « Lauréat du programme de résidences internationales Ville de Paris aux Récollets » 2019

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Dans l’esprit de Roger Ballen | Artiste Interview | Wladimir Autain

The world according to Roger Ballen
New presentation from  August 6, 2020 to January 3, 2021
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