Art Brut d’Iran
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L’Art brut d’Iran
L’ART BRUT D’IRAN
12 février – 31 juillet 2025
A l’heure où l’art brut est considéré comme un patrimoine artistique inestimable, nous découvrons qu’il ne connait pas de limites, qu’elles soient historiques, culturelles, formelles ou géographiques. L’irruption récente d’un art brut iranien sur la scène internationale nous en apporte la démonstration et contribue à porter ce phénomène artistique au-delà de son ancrage originel occidental. Que ce soit dans les pays développés ou dans des régions du monde encore attachées à des savoirs vernaculaires, des créateurs en rupture de normes sociales ou éprouvant un sentiment d’exil intérieur, auront toujours un accès privilégié à des réalités non ordinaires, à des ressources mentales, culturelles, éthiques, thérapeutiques inexploitées ou dévalorisées par leur culture.
Dans un pays comme l’Iran où la culture est façonnée par l’héritage religieux du zoroastrisme et du soufisme, par sa littérature riche de grandes épopées et de poésie mystique, par le raffinement de son architecture et de ses jardins, par ses traditions artisanales et décoratives du tissage, de la miniature et de la calligraphie, la règle de l’art brut n’est pas contrariée. Les vingt quatre artistes présentés dans l’exposition nous en font la démonstration. Pour certains, l’enracinement dans une culture trois fois millénaire est recomposé, transformé ou détourné en constructions imaginaires. Une restitution patrimoniale en quelque sorte, à travers laquelle ils se saisissent de certains éléments de l’histoire et de la culture qui les entourent pour reconstruire, dans un langage visuel surprenant leur mythologie personnelle. D’autres, exclusivement concentrés sur leur vision intérieure, construisent des cosmogonies autoréférentielles énigmatiques, univers infinis contenus dans leurs propres lois internes.
Fonctionnant comme une harmonie dissonante de singularités, les créateurs réunis le temps de l’exposition, nous invitent à croire à la puissance régénératrice de la fiction créatrice. Insuffler de l’imaginaire qui ouvre à l’aventure onirique, est un processus nécessaire pour réinventer la vie, relancer le sens, renouveler les possibles afin que l’humain continue de rêver, de construire et de survivre.
– Martine Lusardy, directrice et commissaire des expositions
Avec les artistes Ahmadi Limoo, Abolfazl Amin, Jamshid Aminfar, Asgarian Mohsen, Azizi Ali, Mohammed Banissi, Alireza Asbahi sisi (CC), Kiyavash Danesh, Mohammadali Dehghanizadeh, Farnood Esbati, Kazem Ezi, Farideh Yousefzadeh, Sarvenaz Farsian, Fatemehkhanoom, Haaj Mohammad Harati, Hasan Hazermoshar, Salim Karami, Davood Koochaki, Mahmoodkhan, Alireza Maleki, Zabihollah Mohammadi, Abbas Mohammadi Arvajeh, Reyhaneh Kazamzadeh, Nazanin Tayebeh.
Commissaires d’exposition : Martine Lusardy et Morteza Zahedi
Conseillers artistiques et scientifiques : Shari Cavin et Randall Morris
VISITES DE GROUPES
VISITES DES EXPOSITIONS
Tarifs pour groupes déjà constitués :
– groupe adultes : 8€ / personne
– groupe étudiants, scolaires et personnes en situation de handicap : 6€/personne (gratuit pour deux accompagnateurs )
Le règlement s’effectue uniquement sur place le jour même,
par chèque, espèces ou CB
Entrée valable pour visiter les deux expositions.
Réservations : 01 42 58 72 89
communication@hallesaintpierre.org
PRESENTATION DES EXPOSITIONS VIA LES LIENS CI-DESSOUS :
MALCOLM DE CHAZAL du 11 sept. 2024 au 19 janvier 2025
GILBERT PEYRE du 11 sept. 2024 au 31 juillet 2025
Malcolm de CHAZAL
Malcolm de CHAZAL
11 septembre 2024 – 19 janvier 2025
DP Malcolm de Chazal
L’homme des cosmogonies
Reconnu comme l’un des artistes mauriciens les plus importants du vingtième siècle, Malcolm de Chazal a été le visage emblématique de l’île Maurice largement diffusé en peinture. Mais il a aussi été son poète entre tous, acclamé par des figures littéraires et artistiques majeures d’après-guerre, parmi lesquelles, André Breton, George Bataille, Jean Paulhan, Francis Ponge. Quant à Léopold Sedar Senghor il avait tout de suite reconnu l’unicité et la singularité de son œuvre: «Si la poésie de Chazal, qui est un geyser de sève, un torrent de laves, une brousse de métaphores, semble difficile, tellement elle déroute (…) sa peinture donne l’impression de la facilité. Comme la peinture des civilisations traditionnelles».
Projeter aujourd’hui une exposition sur Malcolm de Chazal, c’est aussi en cette période d’incertitudes, proposer l’utopique merveilleux et féérique de l’univers chazalien. C’est également donner à l’art du poète et du peintre et à son étonnante dimension écologique et spirituelle toute sa fonction ressourçante.
Commissaires d’exposition :
Martine Lusardy, directrice de la Halle Saint Pierre
& Emmanuel Richon, conservateur au Blue Penny Museum.
CATALOGUE
Disponible à la librairie de la Halle Saint Pierre
VISUELS
REMERCIEMENTS AUX PARTENAIRES
Gilbert PEYRE
Gilbert PEYRE
L’électromécanomaniaque
11 septembre 2024 – 31 juillet 2025
Artiste emblématique de la Halle Sant Pierre, Gilbert Peyre accompagne l’aventure de ce musée hors les normes depuis près de quarante ans. Opérant simultanément sur les terrains de l’installation et du spectacle vivant, cet artiste électromécanomaniaque sait concilier la singularité de l’art brut avec l’esprit contemporain dans une ambiance de fête foraine autant visuelle que sonore. Ses machines extravagantes et poétiques sont les manifestations les plus inventives de l’instinct créateur. Elles nous conduisent sur les voies magiques du merveilleux et du fabuleux que nos univers familiers ont occultées.
Gilbert Peyre répond de nouveau à l’invitation de la Halle Saint Pierre. En résulte une proposition artistique originale sous forme de spectacle-performance, entre esthétique foraine et technologie de pointe. Cet artiste qui se définit volontiers comme un « électromécanomaniaque », nous présente ses sculptures machines, automates farfelus et poétiques conçus à partir d’objets récupérés qui, d’un coup d’électricité, de mécanique, de pneumatique et d’électronique vont être amenés à la vie et devenir les protagonistes d’un conte cruel et enchanteur. Dans ce jeu aux combinaisons ambivalentes, dramatiques et burlesques, Gilbert Peyre réconcilie le bricolage et le progrès technologique. Il récupère, détourne, recycle ce que la technologie a d’abord condamné comme obsolète pour, contre toute attente, concourir ensuite à sa réhabilitation. Nul désir donc de soumettre le monde mais plutôt la nécessité de le ré-enchanter afin que création et existence se confondent dans une conception de la vie comme poésie. Loin des machines «célibataires» ne célébrant que leur ivresse mécanique solitaire, les êtres fictionnels et hybrides de Gilbert Peyre nous ouvrent sur un habiter poétique du monde au sein duquel l’artiste interprète et transfigure le quotidien. Cette métaphore du voyage-aventure au tréfonds de la sensibilité, parce qu’elle donne à saisir la mesure de l’être humain, ne peut qu’entrer en résonance avec l’esprit de la Halle Saint Pierre.
Martine Lusardy
Directrice de la Halle Saint Pierre, Commissaire de l’exposition
NOTICE BIOGRAPHIQUE
VISUELS POUR LA PRESSE
L’ESPRIT SINGULIER
EXPOSITION EN COURS
L’ESPRIT SINGULIER
COLLECTION TREGER SAINT SILVESTRE
du 12 mars au 14 aout 2024
L’ESPRIT SINGULIER, présente du 12 mars au 14 août 2024 la collection Treger Saint Silvestre abritée au Centro de Arte Oliva à Porto au Portugal.
Les deux fondateurs, Richard Treger et Antonio Saint Silvestre, conduits par leur désir, leur intuition et leurs émotions, ont réuni en quatre décennies une collection qui porte la marque de leur goût passionné pour l’art brut. Profondément touchés par le pouvoir de décentrement, par la radicalité subversive de cet art collectionné et pensé par Jean Dubuffet, ils n’ont eu de cesse d’en actualiser l’héritage. Leur collection en porte l’empreinte et les créateurs qu’ils ont rassemblés témoignent d’une troublante faculté d’indépendance et comme le disait Dubuffet du désir « d’explorer, d’expérimenter, d’adopter des véhicules autres que celui que la culture nous a imposé (je veux dire : un autre regard sur le monde, une autre interprétation de celui-ci, un autre vocabulaire et, par suite, une autre forme de manipulation de ce vocabulaire, donc une autre pensée) ».
Si leur collection réunit les grandes figures historiques de l’art brut, elle s’est aussi ouverte sur de nouvelles pratiques, de nouveaux médias, autant que sur des ailleurs géographiques. Nul doute que leur rapport intime à la création ainsi que leurs racines africaines, le Zimbabwe pour Richard, pianiste, le Mozambique pour Antonio, sculpteur, ont influé leur manière d’arpenter le territoire de l’art brut et nourri leur regard porté sur ces productions nées dans l’altérité sociale ou mentale.
Les 1500 œuvres qu’ils ont réunies au fil des ans ne sont pas esclaves d’une doctrine esthétique ou d’un parti-pris formel et si la parenté est manifeste entre elles, il ne s’agit pas d’une parenté d’école et de mouvement propre à l’art culturel mais plutôt une parenté originelle : l’instinct créateur. Leurs auteurs dessinent, peignent, sculptent, collectent des objets de rebuts ou puisent dans la nature traces et empreintes, ils assemblent, collent, photographient. Explorateurs de langages archaïques ou magiciens du matériau brut, expérimentateurs primitifs ou raffinés d’un grand art, ou bien même artistes professionnels volontiers libertaires, ils créent pour réparer le monde ou le rendre plus habitable. Préférant la liberté des chemins insolites à toute intégration esthétique et sociale, ils n’ont eu de cesse de rendre compte de l’homme, de sa passion et de son désespoir, de sa raison et de sa folie, de ses rêves et de sa révolte. Loin de reproduire ce qui est déjà au monde, leurs œuvres chargées et habitées, porteuses d’excès mais aussi de poésie, sont le lieu d’un véritable théâtre privé, le support d’un récit profondément personnel, où l’angoisse de la mort n’est nullement incompatible avec la joie d’exister quand il s’agit de répondre à l’inacceptable condition humaine.
La collection Treger Saint Silvestre nous entraine vers la magie d’un entremonde à la fois familier et inconnu, là où se célèbrent les noces de l’art et de la folie, de la vie et de la mort, où se jouent les multiples passages de l’originaire à la culture, de l’intime à l’universel, un monde sans lequel les pouvoirs de l’imaginaire et du symbolique seraient définitivement perdus et la découverte d’horizons inconnus impossibles.
Martine Lusardy, directrice de la Halle Saint Pierre
LES ARTISTES
A.C.M. |
Lonné Raphaël
|
VISITES DE GROUPES
VISITES POUR GROUPES CONSTITUES
Nos visites sont libres, pas de visites guidées
Vous pouvez préparer la visite avec le dossier de presse téléchargeable sur notre site :
TARIFS
Le tarif pour les scolaires et étudiants : 6€
Gratuit pour 1 ou 2 accompagnateurs
Tarif adulte : 7€
Nous ne prenons pas pas de bon de commande. Le règlement s’effectue sur place le jour même. Nous vous remettrons une facture.
La visite le matin à l’ouverture à 11h est recommandée.
HEY! CÉRAMIQUE.S
exposition en cours
HEY! CÉRAMIQUE.S
du 20 septembre 2023 au 14 août 2024
Catalogue disponible à la librairie de la Halle Saint Pierre. Prix : 48€
Au nom de la matière
Toutes deux profondément investies dans l’exploration de la scène culturelle alternative, la Halle Saint Pierre et HEY! modern art & pop culture poursuivent leur longue et étroite collaboration avec une sixième exposition entièrement dédiée à la céramique. Si ce medium occupe une place de plus en plus visible sur la scène artistique internationale, l’exposition HEY! CERAMIQUE.S en montrera d’autres formes qui, de la pop culture à l’art brut, s’émancipent de façon inattendue de toutes les normes et discours dominants pour recourir aux forces vives de l’imaginaire et du sensible. Qu’elles soient sages ou délirantes, sauvages ou sophistiquées, expressionnistes ou narratives, qu’elles manient l’humour ou l’émotion, les sculptures céramiques sont ici porteuses d’excès mais aussi de poésie et d’innovations.
Longtemps considérée comme un art mineur en raison de son statut particulier au carrefour de l’art et de l’artisanat, la céramique s’est émancipée artistiquement en faisant précisément de cette position hybride le fondement de son renouveau. La dimension proprement alchimique des arts du feu se prête en effet à merveille au brouillage et au dépassement des frontières. Mais si les artistes céramistes contemporains se nourrissent des traditions et savoir-faire immémoriaux ce n’est pas tant par nostalgie des valeurs du passé que pour replacer au centre de la création un retour au faire et une attention aux matières dans leur dimension sensible. La terre, l’eau, l’air, le feu ne sont plus de simples matériaux indifféremment manipulables, ils deviennent la substance même d’une imagination matérielle destinée à satisfaire aux urgences esthétiques et psychologiques. Nous nous approchons alors de la découverte bachelardienne d’une imagination comme capacité à ouvrir des possibles : N’est-ce pas le démon de la matière qui sollicite le peintre qui devient modeleur et sculpteur ? Au lyrisme de la couleur qui fut la joie de sa vie, il adjoint le lyrisme de la matière qui fait trembler d’émotion les doigts sur la glaise. 1
1 Gaston Bachelard, « Henri de Waroquier sculpteur : l’homme et son destin » (1952), in Le droit de rêver, p. 47
- Martine Lusardy, directrice de la Halle Saint Pierre et commissaire d’expositions
L’exposition « HEY! CÉRAMIQUE.S »
L’exposition réunit 34 artistes de 13 pays. Pour certains d’entre eux, il s’agit d’une première présentation en Europe. Parmi les 250 œuvres proposées, un tiers des œuvres est produit pour l’exposition, c’est également inédit. Elles encouragent un regard nouveau sur la création contemporaine dans le domaine de la céramique.
« J’ai choisi les artistes et les œuvres pour leur pouvoir d’émerveillement et leur force d’évocation. La sélection embrasse des céramistes s’appuyant sur l’histoire du médium comme des artistes s’en échappant pour faire appel aux techniques mixtes. Une discussion ouverte est ainsi enclenchée vers un potentiel vivant des céramiques – comme autant de gestes et de formes pluriels s’y adossant » affirme Anne Richard / HEY!.
La vocation de l’exposition n’est donc pas ici d’illustrer une histoire de la céramique ni de différentier les techniques variées et traditionnelles la traversant, mais bien de témoigner du dynamisme inédit que connait cette pratique actuellement.
- Anne Richard, commissaire invitée et fondatrice du la revue HEY! modern art & pop culture
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Aux Frontières de l’Art Brut
EXPOSITION en cours
AUX FRONTIÈRES DE L’ART BRUT
du 20 septembre 2023 au 25 février 2024
Dossier de presse (ici)
L’exposition « Aux Frontières de l’art brut » présente 15 artistes, inclassables selon les critères de l’art brut ou de l’art naïf traditionnel : Pierre Amourette, Gabriel Audebert, Mohamed Babahoum, Jean Branciard, Etty Buzyn, Marc Décimo, Roger Lorance, Patrick Navaï, Marion Oster, Jon Sarkin, Shinichi Sawada, Ronan-Jim Sevellec, Ghyslaine et Sylvain Staëlens et Yoshihiro Watanabe. Sans formation artistique pour la plupart mais possédés par le démon de la création, tous sont des expérimentateurs intarissables, obsessionnels, proliférants, dont l’univers a sa marque particulière, reconnaissable au premier coup d’œil. Peu habitués aux circuits professionnels de l’art, ils sont restés méconnus ou montrent avec discrétion les épiphanies d’une imagination sans limite.
Ceux qui en feront la découverte oublieront difficilement la dramaturgie des madones en céramique de Pierre Amourette, les méditations monstruosiformes de Roger Lorance ou le carnaval de la comédie humaine de Gabriel Audebert. Shinichi Sawada, lui, convoque les quatre éléments pour sculpter dans la terre d’étranges créatures hérissées de pointe, tenant tour à tour de l’humain, du reptile, de l’oursin et de l’oiseau. Mais c’est aussi un monde où la poésie en est l’élan vital. Mohamed Babahoum célèbre dans la petite chronique dessinée d’Essaouira, son village natal, les éclats fragiles de ses souvenirs recomposés. Patrick Navaï, poète et peintre traversé par les migrations, fait de son œuvre un voyage intime où les cultures du monde sont mises en relation, s’influencent et se transforment. En animant l’inanimé, Yoshihiro Watanabe réenchante le monde. Ses délicats « Ohira », origami en feuilles de chêne pliées, aux formes animales, restituent à la nature son langage. Renouer avec le vivant est également au cœur du travail de Marc Décimo. Ses assemblages entrelacent des éléments d’origine végétale dans des architectures évoquant l’immense pouvoir du mycélium. En écho, les véhicules forteresses de Jean Branciard sont des échappées salvatrices hors d’un monde trop fonctionnel et utilitaire, dans le désir de rendre au quotidien et aux objets qui le composent leur dignité. On peut y déceler une condamnation de la démesure humaine que Ronan-Jim Sevellec met en scène. L’artiste entretient avec les objets une passion obsessionnelle, et c’est dans le réalisme confondant de ses univers miniatures surannés, désertés de toute présence humaine, qu’il leur offre leur véritable existence. De leur vie dans la compagnie des hommes, les objets se sont chargés d’une mémoire et d’un pouvoir qui peuvent tenir de l’exorcisme et de la magie. Ainsi l’œuvre devient vœu, offrande dans les ex-votos de Marion Oster aux narrations mythologiques, magiques et oniriques. Ghyslaine et Sylvain Staëlens font resurgir dans l’alchimie liminaire de leurs sculptures les fantômes et les esprits de la forêt. Une déraison fondatrice parcourt cette exposition, qui est l’occasion d’en expérimenter quelques-unes des infinies ressources. Dans un torrent de mots et d’images, Jon Sarkin, dessine les possibilités de faire œuvrer ensemble l’espace de l’écrit et celui de la figure, rejetant l’abîme mental qui sépare le sensible de l’intelligible. Chez Etty Buzyn, la main écoute et ses entrelacs aux formes infinies et aléatoires tissent dans le sensible les liens disjoints de notre monde intérieur.
Échappant à l’orthodoxie des positions de Dubuffet, l’art brut est devenu une réalité patrimoniale ouverte dont les contours sont en perpétuelle évolution. Dans son sillage s’est épanoui un monde artistique hétérodoxe où des artistes, revendiquant pleinement leur statut, n’en sont pas moins en porte à faux avec « l’asphyxiante culture ». Préférant la liberté des chemins insolites, des artistes aux entreprises très différentes, désignées sous les étiquettes interchangeables d’art singulier, hors-les-normes, outsider, neuve invention ou sans étiquette du tout, ont fait de leurs œuvres le lieu d’un véritable théâtre privé, le support d’un récit profondément personnel, où l’angoisse de la mort n’est nullement incompatible avec la joie d’exister.
C’est en compagnie de cette tribu créatrice, complexe et plurielle, que la Halle Saint Pierre continue d’avancer.
Martine Lusardy, commissaire de l’exposition
LA FABULOSERIE
EXPOSITION EN COURS
LA FABULOSERIE
25 JANVIER – 25 AOÛT 2023
Téléchargez le dossier de presse ICI
Alain Bourbonnais, Puéril Magic ! / recto-verso, 1972
La Fabuloserie a 40 ans.
Cette date anniversaire est pour la Halle Saint Pierre l’occasion de célébrer la collection qu’Alain et Caroline Bourbonnais ont rassemblée avec une passion insatiable à partir de 1972, à Paris d’abord à l’Atelier Jacob puis à Dicy en Bourgogne dans un domaine aménagé en une maison-musée et un jardin habité. Une collection sous le vent de l’art brut qui, si elle poursuit la démarche initiale de Jean Dubuffet, s’en écarte librement pour imposer le regard, le goût et la sensibilité de ses fondateurs. A la croisée de l’art brut, de l’art naïf et de l’art populaire, également ouvert sur les cultures extra occidentales, l’art hors-les-normes de La Fabuloserie n’a cessé d’accueillir les œuvres singulières de créateurs dépourvus de soucis esthétiques, qui ne se disent ou ne se pensent pas professionnels de l’art. Pour ces hommes du commun habités par une force créatrice irrépressible, Alain Bourbonnais voulait « un temple du rêve, de l’imagination, de l’émotion » ce que Michel Ragon résuma parfaitement :
Avec toute l’ingéniosité de l’architecte qui en avait soupé de l’architecture rationnelle et rêvait d’anarchitecture, Alain Bourbonnais aménagea un parcours initiatique, un labyrinthe avec des chambres à surprises que l’on ouvre subrepticement, quitte à en ressortir avec frisson et horreur, comme dans la chambre noire où s’affalent les bourrages de Marschall. On gravit des escaliers de meunier. On traverse des murs. Tout est étrange. Tout est surprenant. Tout est insolite. Tout vous agresse. Tout vous enchante. Ce voyage qui surprend, émerveille, déconcerte et stupéfie à la fois, se prolonge dans le parc où les bâtisseurs de l’imaginaire et inspirés du bord des routes ont trouvé leur derrière demeure. Leur œuvre de toute une vie passée à transfigurer leur environnement quotidien en un paradis personnel, est réinterprétée et préservée, échappant ainsi à la destruction et à l’oubli. Point d’orgue au fond du parc, au-delà de l’étang, « le Manège de Petit Pierre » se dresse comme la promesse d’un moment magique et enchanteur.
Alain Bourbonnais était aussi créateur, sans limite, à la fois peintre, dessinateur, graveur, metteur en scène, réalisateur de courts métrages. Ses Turbulents, sortes d’automates mécanisés confectionnés avec des matériaux du quotidien forment une tribu truculente de personnages à la fois rabelaisiens et ubuesques, tout droit surgis d’une fête foraine ou d’un carnaval. « Tout ce qui imite, obéit aux règles, se coule dans le moule me répugne ! Inventer, chercher, expérimenter, jouer, insulter : voilà qui me convient ! ». Un esprit libertaire anime donc son œuvre éprise de démesure qui a trouvé, dans le compagnonnage des créations rebelles aux normes, les mêmes forces de vie pour que l’art puisse encore être « cette étincelle qui cherche la poudrière », selon les mots d’André Breton.
La Fabuloserie conserve la magie du cabinet de curiosités. Un souffle émancipatoire y libère les sens et l’imaginaire en nous faisant rencontrer dans un esprit surréaliste des objets et des œuvres dont on ne soupçonnait pas même l’existence. Chaque œuvre demeure un objet de désir que la passion du collectionneur a su ne pas étouffer dans un intemporel esthétique de muséification. C’est cette passion privée qui fut à l’origine des premières collections d’art brut avant sa vulgarisation et son institutionnalisation. C’est à l’oeil de tous ces pionniers que la Halle Saint Pierre voulut rendre hommage en 1995 en les invitant à venir montrer les plus caractéristiques de leurs trouvailles dans l’exposition Art Brut et Compagnie, la face cachée de l’art contemporain. Au côté de la Collection de l’Art Brut, étaient réunies La Fabuloserie, l’Aracine, le Site de la Création Franche, la Collection Cérès Franco et le Petit Musée du Bizarre qui venaient ainsi combler le grand silence institutionnel et médiatique qui suivit l’exposition légendaire des Singuliers de l’Art au Musée d’art moderne de la Ville de Paris en 1978.
Depuis, les routes de la Halle Saint Pierre et de La Fabuloserie n’ont cessé de se croiser : Aux frontières de l’art brut II en 2001, Banditi Dell’Arte en 2012, HEY ! Acte III en 2015, puis HEY ! Le dessin en 2022 furent autant d’occasions de faire exister un autre monde de l’art et d’appréhender, en dehors de toute logique de hiérarchie, les subtiles parentés qui l’animent. La Fabuloserie a 40 ans. L’Atelier Jacob aurait 50 ans. Il est jubilatoire de célébrer le demi-siècle d’une collection dont l’exigence aura été de libérer l’art et la création de ses multiples prisons et de réenchanter l’existence même des êtres et des choses. Une collection buissonnière où chaque œuvre révèle les fils invisibles qui relient l’intime à l’universel, le banal au singulier, l’émotion à la pensée, l’archaïque à la culture.
- Martine Lusardy, (texte du catalogue)
LES ARTISTES
VISUELS ARTISTES
LA FABULOSERIE A DICY